La réussite à un concours ou un examen ne garantit pas une nomination
Pierre-Yves Blanchard le 03 septembre 2024 - n°1871 de La Lettre de l'Employeur Territorial

2 mars 2023 / n° 2004182
Vu la procédure suivante :
Par une requête enregistrée le 4 juin 2020, M. A B, représenté par Me Gavaudan, demande au tribunal :
1°) de condamner la métropole Aix-Marseille-Provence à lui verser la somme de 60 000 euros en réparation du préjudice résultant de son absence d'avancement et de la discrimination subie ;
2°) de mettre à la charge de la métropole Aix-Marseille-Provence une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.
Il soutient que :
- la métropole Aix-Marseille-Provence a commis une faute en ne lui accordant aucune promotion suite à sa réussite en 2014 au concours interne de technicien territorial et en 2017 à l'examen professionnel de technicien territorial principal de 2ème classe ;
- le comportement de la métropole est discriminatoire ;
- ces fautes sont à l'origine d'un préjudice moral et d'un préjudice économique sur son salaire et sa future retraite qui doivent être évalués à la somme de 60 000 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 mai 2022, la métropole Aix-Marseille-Provence, représentée par Me Le Chatelier, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de M. B sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par M. B ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 25 mai 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 30 juin 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général de la fonction publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Hétier-Noël, rapporteure,
- les conclusions de M. Ouillon, rapporteur public,
- et les observations de Me Le Neel, représentant la métropole Aix-Marseille-Provence.
Considérant ce qui suit :
1. M. B est fonctionnaire territorial à la métropole Aix-Marseille-Provence où il occupe un poste d'agent de maîtrise principal en tant qu'adjoint de secteur du service ports-plages. Il a réussi en 2014 le concours interne de technicien territorial puis, en 2017, l'examen professionnel de technicien territorial principal de 2ème classe dans la spécialité " service interventions techniques ". Estimant que la métropole Aix-Marseille-Provence a commis des fautes de nature à engager sa responsabilité en s'opposant à toute promotion de carrière depuis sa réussite à ces concours et examen, et en portant atteinte au principe de l'égalité de traitement des personnes, il a formé le 6 mars 2020 auprès de celle-ci une réclamation préalable demeurée sans réponse. Il demande au tribunal la condamnation de la métropole Aix-Marseille-Provence à lui verser 60 000 euros au titre du préjudice moral et financier qu'il estime avoir subi.
Sur la responsabilité de la métropole Aix-Marseille-Provence
2. En premier lieu, l'article L. 325-38 du code général de la fonction publique dispose que : " Chaque concours de la fonction publique territoriale donne lieu à l'établissement d'une liste d'aptitude classant par ordre alphabétique les candidats déclarés aptes par le jury (). L'inscription sur cette liste d'aptitude ne vaut pas recrutement " et l'article L. 523-1 du même code dispose que : " Afin de favoriser la promotion interne, les statuts particuliers fixent, outre l'accès par concours interne, une proportion de postes qui peuvent être proposés aux fonctionnaires ou aux agents des organisations internationales intergouvernementales pour une nomination suivant l'une des modalités ci-après : 1° Examen professionnel, donnant lieu à l'établissement d'une liste d'aptitude dans les fonctions publiques territoriale et hospitalière ;2° Liste d'aptitude établie par appréciation de la valeur professionnelle et des acquis de l'expérience professionnelle des candidats. "
3. Il résulte de ces dispositions que, contrairement à ce que soutient M. B, les candidats déclarés admis à l'issue d'un concours de recrutement au sein de la fonction publique territoriale ne disposent d'aucun droit à être nommés fonctionnaires dans un emploi donné et le succès à l'examen professionnel, s'il ouvre au lauréat un droit à être inscrit sur une liste d'aptitude pour accéder à un grade, n'implique toutefois aucun droit automatique à être nommé à ce grade.
4. Par ailleurs la métropole Aix-Marseille-Provence affirme, sans être contestée, avoir proposé à M. B plusieurs postes, notamment un poste de technicien voirie en 2016, un poste de conducteur de travaux et un poste de technicien comptage routier en 2017, qu'il a refusés. Elle indique également sans être utilement contredite que, si le requérant a soumis sa candidature à différents postes, celle-ci n'a pas été retenue car d'autres candidatures ont été considérées plus pertinentes et plus adaptées. Il n'est pas davantage démontré que la métropole aurait commis une illégalité fautive en maintenant M. B sur son poste actuel.
5. Enfin, si M. B évoque le fait que " la métropole a voté des ratios d'avancement de grade à 100 % ", cette allégation n'est pas assortie des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé, alors au surplus qu'il ne résulte pas de l'instruction que la métropole Aix-Marseille-Provence aurait adopté de tels ratios.
6. Par suite, le moyen tiré de la violation par la métropole Aix-Marseille-Provence de l'obligation de nommer M. B à un poste de technicien territorial doit être écarté
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 131-1 du code général de la fonction publique " Aucune distinction, directe ou indirecte, ne peut être faite entre les agents publics en raison de leurs opinions politiques, syndicales, philosophiques ou religieuses, de leur origine, de leur orientation sexuelle ou identité de genre, de leur âge, de leur patronyme, de leur situation de famille ou de grossesse, de leur état de santé, de leur apparence physique, de leur handicap, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, sous réserve des dispositions des articles L. 131-5, L. 131-6 et L. 131-7. ". Le juge, lors de la contestation d'une décision dont il est soutenu qu'elle serait empreinte de discrimination, doit attendre du requérant qui s'estime lésé par une telle mesure qu'il soumette au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer une atteinte au principe de l'égalité de traitement des personnes. Il incombe alors au défendeur de produire tous ceux permettant d'établir que la décision attaquée repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si la décision contestée devant lui a été ou non prise pour des motifs entachés de discrimination, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
8. M. B considère subir une inégalité de traitement par rapport à cinq de ses collègues qui, n'ayant ni son ancienneté, ni ses qualités professionnelles ni pour quatre d'entre eux le bénéfice des examens et concours qu'il a réussis, ont obtenu des progressions de carrière dans la fonction et la qualification souhaitée bien plus rapides que la sienne. Il affirme que cette différence de traitement repose " soit sur son état de santé soit sur une activité ou une absence d'activité de nature syndicale ". Toutefois, il se borne à procéder par simple allégation sans apporter aucun élément circonstancié susceptible de faire présumer une atteinte au principe de l'égalité de traitement par la métropole Aix-Marseille-Provence. Dès lors, le moyen tiré de l'existence d'une discrimination à son encontre doit être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède qu'en l'absence de fautes engageant la responsabilité de la métropole Aix-Marseille-Provence, M. B n'est pas fondé à demander la condamnation de celle-ci à lui verser une somme en réparation de ses préjudices, alors d'ailleurs qu'en tout état de cause, il n'établit pas la réalité des préjudices tant financier que moral qu'il soutient avoir subis.
Sur les frais d'instance
10. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la métropole Aix-Marseille-Provence, qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, la somme que M. B demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de M. B une somme au titre des frais exposés par la métropole Aix-Marseille-Provence et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la métropole Aix-Marseille-Provence sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. A B et à la métropole Aix-Marseille-Provence.
Délibéré après l'audience du 8 février 2023, à laquelle siégeaient :
Mme Hameline, présidente,
Mme Felmy, première conseillère,
Mme Hétier-Noël, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 mars 2023.
La rapporteure,
signé
C. Hétier-Noël
La présidente,
signé
M.-L. Hameline
La greffière,
signé
B. Marquet
La République mande et ordonne au préfet des Bouches-du-Rhône en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière
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