La perte d'une chance sérieuse de recrutement engage la responsabilité de l'employeur
Dans une affaire, un architecte lauréat du concours d'ingénieur en chef présente sa candidature au poste d'architecte conseil du département en charge de l'expertise technique des projets urbanistiques architecturaux auxquels participe le conseil général dans le cadre de partenariats. Le 3 septembre 1999, le président rejette cette candidature, qu'il estime ne pas répondre aux conditions statutaires de recrutement. L'intéressée réclame 84 000 € d'indemnités estimant au contraire qu'il disposait d'une chance sérieuse d'embauche.
La cour reconnaît que, lauréat du concours, il remplit bien les conditions statutaires d'une nomination. Le refus qui lui a été opposé engage donc la responsabilité du conseil général mais l’agent doit établir avoir subi une perte de chance sérieuse d'obtenir le poste. Le dossier montre que l'architecte, ancien enseignant titulaire de l'école d'architecture, est Grand prix d'architecture et d’urbanisme, ancien architecte urbaniste conseil des services de l'État en Corse. Il dispose donc d'une formation initiale et d'une expérience dont la qualité en fait un candidat sérieux au poste proposé. De son côté, le conseil général n'apporte aucun élément sur les qualifications ou le parcours professionnel de l'agent qu'il a retenu, se contentant d'indiquer que l'ancienneté du dossier ne lui permet pas de fournir ces éléments. En l'absence de réponse, la cour considère que le candidat évincé a en effet perdu une chance sérieuse de nomination.
Attention : cependant, l'intéressé ne fournit aucun élément permettant d'apprécier la réalité de son préjudice financier et des troubles dans ses conditions d'existence. Même si la responsabilité du conseil général est retenue dans son principe, la cour rejette la demande indemnitaire, tout en retenant 2 000 € de préjudice moral.
CAA Marseille n° 11MA01733 M. C du 14 mai 2013.
Pierre-Yves Blanchard le 03 février 2015 - n°1430 de La Lettre de l'Employeur Territorial

N° 11MA01733
8ème chambre - formation à 3
M. GONZALES, président
M. Patrice ANGENIOL, rapporteur
Mme HOGEDEZ, rapporteur public
SCP D'AVOCATS MARIAGGI - BOLELLI, avocat
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée le 4 mai 2011, présentée pour M. C... D... demeurant..., par Me E... ; M. A... D... demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0805503 rendu le 7 avril 2011 par le tribunal administratif de Marseille qui a rejeté sa requête tendant à la condamnation du département des Bouches-du-Rhône au paiement de la somme de 83 840,60 euros au titre des préjudices nés du rejet de sa candidature au poste d'architecte conseil du département ;
2°) de condamner le département des Bouches-du-Rhône au versement de la somme de 83 840,60 euros susmentionnée ;
3°) de condamner le département des Bouches-du-Rhône au versement de la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
Vu le décret n° 90-126 du 9 février 1990 portant statut particulier du cadre d'emplois des ingénieurs territoriaux ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 mars 2013 :
- le rapport de M. Angéniol, rapporteur,
- les conclusions de Mme Hogedez , rapporteur public,
- et les observations de Me B..., du cabinet de Castelnau, pour le département des Bouches-du-Rhône ;
1. Considérant que M. A... D... a présenté sa candidature au poste "d'architecte conseil du département chargé d'assurer l'expertise technique des vastes projets urbanistiques et architecturaux auxquels participe la collectivité en partenariat" publié par le département des Bouches-du-Rhône au cours du mois d'août 1999 ; que, par une décision en date du 3 septembre 1999, le président du conseil général des Bouches-du-Rhône a rejeté la candidature de M. A... D..., au motif que l'intéressé ne satisfaisait pas aux conditions statutaires de ce recrutement ; que cette décision a été annulée par un arrêt de la Cour de céans, en date du 27 novembre 2007, qui avait toutefois rejeté les conclusions indemnitaires de l'appelant en l'absence de liaison préalable du contentieux ; que, par un nouveau jugement rendu le 7 avril 2011 et dont M. A... D... interjette appel, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la condamnation du département des Bouches-du-Rhône au paiement de la somme de 83 840,60 euros au titre des préjudice nés du rejet de sa candidature, au motif qu'il n'établissait pas disposer d'une chance sérieuse d'obtenir le poste pour lequel il se portait candidat ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la responsabilité du département :
2. Considérant qu'ainsi que l'a rappelé le jugement attaqué, la Cour de céans, dans son arrêt rendu le 27 novembre 2007 a annulé la décision du 3 septembre 1999 par laquelle le président du conseil général des Bouches-du-Rhône a rejeté la candidature de M. A... D... au poste d'architecte-conseil en qualité d'ingénieur en chef de 1ère catégorie, au motif que M. A... D... était bien, lorsque sa candidature a été examinée, et contrairement à ce que soutenait le département, lauréat du concours national de recrutement des ingénieurs territoriaux en chef de première catégorie organisé par le centre national de la fonction publique territoriale, et figurait, en outre, sur la liste d'aptitude, en cours de validité, au grade d'ingénieur territorial en chef ; qu'il remplissait ainsi les conditions pour être recruté selon les modalités prévues par le département ; que l'illégalité du refus opposé à M. A... D... constitue une faute de nature à engager la responsabilité du département des Bouches-du-Rhône ; que l'intéressé n'est toutefois en droit d'obtenir la réparation des préjudices qui ont pu résulter de cette décision, que s'il peut établir avoir subi une perte de chance sérieuse d'obtenir le poste ;
S'agissant de la perte de chance sérieuse :
3. Considérant qu'il ressort de l'instruction que M. A... D..., inscrit sur la liste d'aptitude d'ingénieur territorial en chef, architecte diplômé, ancien enseignant titulaire de l'école d'architecture de Marseille Luminy, Grand Prix d'architecture et d'urbanisme, ancien architecte urbaniste conseil du CAUE de la Corse du Sud et de la région de Corse, disposait d'une formation initiale et d'une expérience professionnelle, dont la qualité le plaçait comme un candidat sérieux au poste proposé par le département des Bouches-du-Rhône ; que cette collectivité territoriale, bien qu'ayant été invitée par la Cour à produire le curriculum vitae du candidat qu'elle a retenu, n'apporte aucun élément relatif aux qualifications et aux parcours professionnel de cette personne, se contentant d'indiquer que l'ancienneté du dossier ne lui aurait pas permis de fournir de tels éléments ; que dans ces conditions, M. A... D... doit être regardé comme établissant avoir subi une perte de chance sérieuse de voir sa candidature retenue pour occuper le poste d'architecte conseil du département ;
En ce qui concerne les préjudices :
S'agissant du préjudice financier et des troubles dans les conditions d'existence :
4. Considérant qu'alors que sa demande indemnitaire était contestée sur ce point, M. A... D... n'apporte aucun élément permettant d'apprécier la réalité de son préjudice financier et des troubles dans ses conditions d'existence ; que, dans ces conditions, sa demande indemnitaire ne peut qu'être rejetée ;
S'agissant du préjudice moral :
5. Considérant, qu'il résulte de l'instruction, que M. A... D... est fondé à soutenir que le rejet de sa candidature prononcé sans réel examen de sa candidature, présentait un caractère vexatoire à l'origine d'un préjudice moral ; qu'il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice, en condamnant le département des Bouches-du-Rhône au versement à M. A... D... de la somme de 2 000 euros ;
Sur les conclusions des parties tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. (...)" ;
7. Considérant que le département des Bouches-du-Rhône, qui succombe dans la présente instance, ne peut prétendre au remboursement de ses frais de procédure ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, d'allouer 2 000 euros à M. A... D..., à la charge du département des Bouches-du-Rhône, au titre de ses frais de procédure ;
D E C I D E :
Article 1er : Le département des Bouches-du-Rhône est condamné à payer à M. A... D... la somme de 2 000 (deux mille) euros.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... D... est rejeté.
Article 3 : Le jugement susvisé du tribunal administratif de Marseille en date du 7 avril 2011 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le département des Bouches-du-Rhône versera 2 000 (deux mille) euros à M. A... D... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions du département des Bouches-du-Rhône présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... A... D... et au département des Bouches-du-Rhône.
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