L’absence du rapport du médecin de prévention rend irrégulier l’avis de la commission de réforme
Sauf si l’employeur reconnaît l’imputabilité, la commission de réforme rend un avis sur le lien avec le service sur la base d’un rapport écrit du médecin de prévention, informé par son secrétariat du dossier présenté (articles 16 du décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 et 15 de l’arrêté du 4 août 2004).
Dans une affaire, une puéricultrice du département, en dépression sévère, est en congé de longue maladie puis de longue durée du 13 février 2009 au 12 août 2013. Elle demande la reconnaissance de l’imputabilité de ces arrêts à l’agression, en avril 1990, d’un père de famille qu’elle incitait à confier ses enfants la crèche ou à une assistante maternelle. Le président du département la lui refuse, se conformant à l’avis défavorable de la commission de réforme.
Selon une jurisprudence constante (CE Ass. n° 335033 M. C du 23 décembre 2011), si les actes administratifs doivent respecter les formes et procédures des textes, un vice affectant l’une d’elles n’entache la décision d’irrégularité que s’il a pu influer sur le sens de la décision ou a privé l’intéressé d’une garantie.
Le département reconnaît l’absence du rapport du médecin de prévention dans le dossier. Or, ce dernier pouvait d’autant mieux éclairer la commission sur l’imputabilité éventuelle de l’accident qu’elle ne comportait aucun médecin psychiatre et que la commission devait trancher entre 2 expertises contradictoires. L’absence du rapport a bien été de nature à exercer une influence sur la teneur de l’avis, puis sur le sens de la décision. Cette irrégularité procédurale justifiant pleinement l’annulation du refus qui lui a été opposé.
À retenir : pour autant, la décision n’implique pas la reconnaissance de l’imputabilité de la maladie au service, mais seulement un réexamen de la situation de la fonctionnaire.
CAA Nancy n° 16NC00645 Mme B du 28 décembre 2017.
Pierre-Yves Blanchard le 02 octobre 2018 - n°1599 de La Lettre de l'Employeur Territorial

N° 16NC00645
3ème chambre - formation à 3
M. MARINO, président
M. Jean-Marc GUERIN-LEBACQ, rapporteur
M. COLLIER, rapporteur public
SELARL GRIMALDI-MOLINA ET ASSOCIES, avocat
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... C...épouse A...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'ordonner une expertise aux fins de se prononcer sur l'imputabilité de ses congés de maladie depuis février 2009 à l'accident de service subi le 26 avril 1990 et d'annuler la décision du 2 octobre 2012 par laquelle le président du conseil général du Haut-Rhin a refusé de prendre en charge les congés précités comme imputables au service, ainsi que la décision du 21 janvier 2013 rejetant son recours gracieux.
Par un jugement n° 1300518 du 11 février 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 12 avril 2016, Mme B...C...épouse A..., représentée par MeD..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 11 février 2016 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions des 2 octobre 2012 et 21 janvier 2013 ;
3°) d'enjoindre au département du Haut-Rhin de reconnaître l'imputabilité au service des congés de maladie subis depuis février 2009 dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge du département du Haut-Rhin le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;
- les décisions contestées sont insuffisamment motivées ;
- le médecin du service de médecine professionnelle et préventive n'a pas remis de rapport à la commission de réforme avant que celle-ci ne statue sur sa situation, en méconnaissance de l'article 16 du décret du 30 juillet 1987 ;
- aucun médecin spécialiste de son affection n'assistait à cette commission ;
- les décisions litigieuses sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que la pathologie justifiant son arrêt de travail depuis février 2009 est imputable à l'accident de service subi le 26 avril 1990.
Par un mémoire en défense enregistré le 17 juin 2016, le département du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête au motif que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ;
- le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ;
- l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Guérin-Lebacq,
- et les conclusions de M. Collier, rapporteur public.
1. Considérant que MmeA..., puéricultrice du département du Haut-Rhin, souffre d'une dépression sévère pour laquelle elle a été placée en congé de longue maladie à compter du 13 février 2009 puis en congé de longue durée du 13 février 2010 au 12 août 2013 ; qu'elle a demandé que ces périodes de congés soient reconnues comme imputables au service au titre de l'accident de service qu'elle avait subi le 26 avril 1990, lorsqu'elle avait été agressée par un père de famille qu'elle incitait à confier ses enfants à une crèche ou à une assistante maternelle ; qu'après avoir fait l'objet d'un avis défavorable par la commission de réforme le 13 septembre 2012, cette demande a été rejetée par une décision du président du conseil général du Haut-Rhin du 2 octobre 2012, confirmée par une décision du 21 janvier 2013 rejetant le recours gracieux présenté par Mme A...; que celle-ci fait appel du jugement du 11 février 2016 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient (...) d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales. (...) " ; qu'aux termes de l'article 16 du décret du 30 juillet 1987 pris pour l'application de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif à l'organisation des comités médicaux, aux conditions d'aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux : " (...) la commission de réforme prévue par le décret n° 65-773 du 9 septembre 1965 susvisé est obligatoirement consultée dans tous les cas où un fonctionnaire demande le bénéfice des dispositions de l'article 57 (2°, 2e alinéa) de la loi du 26 janvier 1984 susvisée. Le dossier qui lui est soumis doit comprendre un rapport écrit du médecin du service de médecine professionnelle et préventive compétent à l'égard du fonctionnaire concerné (...) " ; qu'aux termes de l'article 15 de l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière : " Le secrétariat de la commission informe le médecin du service de médecine professionnelle et préventive, pour la fonction publique territoriale, (...) compétent à l'égard du service auquel appartient le fonctionnaire dont le cas est soumis à la commission. (...) Ces médecins peuvent obtenir, s'ils le demandent, communication du dossier de l'intéressé. Ils peuvent présenter des observations écrites ou assister à titre consultatif à la réunion de la commission. Ils remettent obligatoirement un rapport écrit dans les cas prévus au premier alinéa des articles 21 et 23 ci-dessous " ; que le premier alinéa de l'article 21 de l'arrêté du 4 août 2004 renvoie notamment au cas où la commission de réforme donne son avis sur l'imputabilité au service de l'infirmité pouvant donner droit aux différents avantages énumérés à l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 ; que cette infirmité vise toute pathologie invalidante, physique ou psychologique, mettant l'agent en incapacité de travailler ;
3. Considérant que si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie ;
4. Considérant que Mme A...soutient que la commission de réforme s'est prononcée sur sa situation le 13 septembre 2012 sans disposer du rapport écrit du médecin du service de médecine professionnelle et préventive compétent pour le service dans lequel elle est affectée ; que le département du Haut-Rhin ne conteste pas qu'aucun rapport du médecin de prévention n'a été soumis à la commission de réforme, en méconnaissance des dispositions précitées de l'article 16 du décret du 30 juillet 1987 et de l'article 15 de l'arrêté du 4 août 2004 ; qu'un tel rapport aurait été de nature à éclairer la commission de réforme sur l'imputabilité éventuelle à l'accident de service du 26 avril 1990 de la pathologie dépressive présentée par Mme A...depuis le mois de février 2009, alors que la commission, qui ne comportait aucun médecin spécialisé en psychiatrie, devait se prononcer au vu de deux expertises psychiatriques contradictoires sur ce point ; qu'ainsi, l'absence de ce rapport a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur la teneur de l'avis rendu par ladite commission et, par suite, sur le sens de la décision prise par l'administration ; que dès lors, Mme A...est fondée à soutenir que la décision du 2 octobre 2012 a été prise au terme d'une procédure irrégulière de nature à entraîner l'annulation de cette décision, ainsi que, par voie de conséquence, l'annulation de la décision du 21 janvier 2013 rejetant son recours gracieux ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête et notamment le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait irrégulier, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Considérant qu'eu égard au motif ci-dessus retenu pour annuler les décisions contestées, l'exécution du présent arrêt n'implique pas nécessairement que le département du Haut-Rhin reconnaisse l'imputabilité au service des congés de maladie litigieux, mais seulement que l'administration procède au réexamen de la demande de Mme A...après avoir mis en oeuvre une procédure régulière ; qu'ainsi, il y a seulement lieu, en application de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au département du Haut-Rhin de réexaminer la demande de Mme A... dans un délai de six mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette mesure d'injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de MmeA..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont le département du Haut-Rhin demande le versement au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu en revanche de mettre à la charge du département du Haut-Rhin une somme de 1 500 euros à verser à MmeA... sur le fondement des mêmes dispositions ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg n° 1300518 du 11 février 2016, ainsi que la décision du président du conseil général du Haut-Rhin du 2 octobre 2012 rejetant la demande de Mme A...tendant à obtenir l'imputabilité au service de ses congés de longue maladie et de longue durée à compter du 13 février 2009 et la décision du 21 janvier 2013 rejetant son recours gracieux, sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au département du Haut-Rhin de réexaminer la demande de Mme A... dans un délai de six mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le département du Haut-Rhin versera à Mme A...une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C...épouse A...et au département du Haut-Rhin.
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