Une réaffectation après un accident de circulation répond à l’intérêt du service
L’employeur a toute compétence pour affecter les fonctionnaires au sein de la collectivité (article L. 512–23 du code général de la fonction publique).
Une réaffectation peut néanmoins devenir une sanction déguisée si elle combine 2 éléments : l’un objectif, la mesure devant porter atteinte à sa situation, l’autre subjectif, tenant à l'intention de l'auteur de le sanctionner, l’existence d’un intérêt du service n’excluant pas un objectif disciplinaire (concl. ss CE n° 08397 M. S du 9 juin 1978 Rev. Adm. 1978 p 631 et CE n° 47872 M. M du 5 juillet 1985).
Le 21 septembre 2016, à 8h27, l’agent heurte avec son camion de collecte un jeune cycliste qui décède des suites de l’accident. Après un entretien avec son chef de service, il est réaffecté provisoirement comme ripeur le 23 septembre, une mesure qui devient définitive en juin 2019 après une décision du tribunal judiciaire du 19 octobre 2018.
Sa nouvelle affectation correspond à l’un des emplois auxquels il peut prétendre comme adjoint technique, et il travaille dans la même zone géographique, de sorte que la mesure n’entraîne ni modification de sa situation administrative, ni de conséquences pécuniaires défavorables. L’agent affirme, sans l’établir, qu’en l’absence de chauffeurs de camion en nombre suffisant, sa réaffectation ne saurait procéder d’un intérêt du service. Par ailleurs, la détention d’un permis de conduire poids lourds ne lui garantit pas un poste de chauffeur, excluant toute atteinte à sa situation professionnelle.
En outre, le 6 novembre 2008, il a commis un important excès de vitesse au volant d’un camion. Dans ces conditions, la réaffectation a bien été prononcée dans l’intérêt du service, qui doit garantir la sécurité des usagers et prévenir les accidents liés à l’utilisation des véhicules de collecte. Même si le poste de ripeur est moins prisé des agents que celui de chauffeur de camion, l’employeur n’a prononcé aucune sanction disciplinaire déguisée.
CAA Bordeaux n° 21BX00412 M. B du 21 décembre 2022.
Tous les agents du cadre d’emplois des adjoints techniques, qui ont parmi leurs missions la conduite de véhicules, doivent préalablement s’être soumis avec succès à un examen psychotechnique : "... Ils (les adjoints techniques) peuvent également assurer la conduite de véhicules, dès lors qu'ils sont titulaires du permis de conduire approprié en état de validité. Ils ne peuvent toutefois se voir confier de telles missions qu'après avoir subi avec succès les épreuves d'un examen psychotechnique, ainsi que des examens médicaux appropriés" (article 3, décret n° 2006-1691 du 22/12/2006). L’examen doit être obligatoirement réalisé pour les fonctionnaires (titulaires et stagiaires), et il est recommandé pour les contractuels sur emploi permanent. L’organisme chargé de l’examen doit être agréé par le préfet. Le coût est à la charge de l’employeur. En cas d'échec, cet examen pourra être repassé.
Paul Durand
Pierre-Yves Blanchard le 28 novembre 2023 - n°1837 de La Lettre de l'Employeur Territorial

21 décembre 2022 / n° 21BX00412
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par une première requête, M. A B a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d’annuler la décision par laquelle le président de Bordeaux Métropole l’a affecté en qualité de ripeur.
Par une seconde requête, M. A B a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d’annuler la décision du 13 juin 2019 par laquelle le président de Bordeaux Métropole l’a muté d’office dans l’intérêt du service à un poste de ripeur au sein du service de la gestion des déchets et de la propreté dans le ressort « Centre « .
Par un jugement joint n° 1800530-1903085 du 4 décembre 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête, un mémoire et des pièces, enregistrés les 3 et 10 février 2021 et les 10 et 24 novembre 2022, M. B, représenté par Me Baltazar, demande à la cour :
1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 4 décembre 2020 ;
2°) d’annuler la décision du 13 juin 2019 du président de Bordeaux Métropole précitée ;
3°) d’enjoindre au président de Bordeaux Métropole de l’affecter sur un poste de chauffeur de camion, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l’arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de Bordeaux Métropole la somme de 2 500 euros à lui verser en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
Sur la régularité du jugement :
• les principes de l’égalité des armes et du contradictoire n’ont pas été respectés devant les premiers juges eu égard au bref délai dont il a bénéficié pour produire son mémoire en réplique alors, en outre, que Bordeaux Métropole a attendu plus d’un an avant de produire son mémoire en défense.
Sur le bien-fondé du jugement :
• la décision en litige est une sanction disciplinaire déguisée et non un mesure prise dans l’intérêt du service ;
• la décision est entachée d’une erreur de droit et d’une erreur d’appréciation dès lors qu’il a les capacités techniques et physiques pour exercer ses fonctions de chauffeur de camion et que cette mesure qui le mute sur un poste de ripeur, porte atteinte à sa situation professionnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 mai 2021, Bordeaux Métropole, représenté par son président en exercice et par Me Noël, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. B d’une somme de 1 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu’aucun des moyens de la requête n’est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
• la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
• la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
• le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
• le rapport de Mme C D,
• les conclusions de Mme Florence Madelaigue, rapporteure publique,
• et les observations de Me Baltazar, représentant M. B et de Me Knies représentant Bordeaux Métropole.
Considérant ce qui suit :
1. M. B exerce les fonctions d’adjoint technique à la propreté de première classe au service de la collecte des déchets de Bordeaux Métropole. Le 21 septembre 2016 à 8 heures 27, alors qu’il conduisait un camion de collecte des ordures ménagères rue Pierre, à Bordeaux, il a percuté une jeune cycliste qui est décédée des suites de cet accident. M. B a alors été affecté en qualité de ripeur sur le même secteur de collecte que celui où il exerçait antérieurement les fonctions de conducteur de bennes. Cette mesure provisoire, décidée à la suite d’un entretien de M. B avec son chef de service, a été matérialisée par ses plannings de travail l’affectant comme ripeur à compter du 23 septembre 2016. M. B a adressé une demande réceptionnée le 10 novembre 2017 au directeur de la vie administrative et de la qualité de vie au travail, par laquelle il sollicitait le réexamen de sa situation, en l’absence de contradiction médicale à l’exercice de l’activité de chauffeur, et sa réaffectation sur son poste de conducteur de bennes. Par une décision du 21 décembre 2017, le directeur des ressources humaines a rejeté sa demande au motif que cette mesure conservatoire serait maintenue tant que l’enquête ne serait pas close. Par jugement du 19 octobre 2018, le tribunal correctionnel de Bordeaux a condamné M. B à une peine de six mois d’emprisonnement avec sursis et, à titre complémentaire, à une suspension de quatre mois de son permis de conduire, pour homicide involontaire par conducteur de véhicule terrestre à moteur. Par une décision du 13 juin 2019, le président de Bordeaux Métropole a muté d’office dans l’intérêt du service M. B à un poste de ripeur. M. B relève appel du jugement par lequel le tribunal, après avoir joint les requêtes n° 1800530 et 1903085, a rejeté ses demandes tendant à l’annulation de la décision l’affectant comme ripeur à compter du 23 septembre 2016 et celle portant mutation d’office dans l’intérêt du service.
Sur la régularité du jugement :
2. Il ressort des pièces du dossier, s’agissant de la requête n° 1903085, que la demande présentée par M. B a été enregistrée au greffe du tribunal le 24 juin 2019, qu’un premier mémoire en défense produit le 9 octobre 2020 par Bordeaux Métropole, a été communiqué le 12 octobre 2020 à M. B qui a pu répliquer par un mémoire enregistré le 28 octobre suivant, soit avant la clôture d’instruction reportée au 30 octobre 2020. Bordeaux Métropole a ensuite répliqué à ce dernier mémoire par un second mémoire en défense enregistré le 13 novembre 2020. Ainsi, les 17 jours impartis à M. B pour présenter son mémoire en réplique constituent, contrairement à ce qu’il soutient, un délai raisonnable pour lui permettre de répliquer. En outre, la circonstance que Bordeaux Métropole ait produit son mémoire plus d’un an après l’enregistrement de la requête n’empêchait nullement M. B de produire, s’il l’estimait utile, à tout moment de la procédure tout élément nouveau pour compléter sa requête. Par suite, ni le principe du contradictoire ni le principe d’égalité des armes n’ont en l’espèce été méconnus.
Sur les conclusions à fin d’annulation :
3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que la mutation de M. B en qualité de ripeur a été décidée à la suite de l’accident mortel d’une jeune cycliste survenu le 21 septembre 2016, alors qu’il conduisait la benne de collecte, rue Pierre, en zone Centre de Bordeaux, pour lequel il a été condamné par le tribunal correctionnel de Bordeaux, le 19 octobre 2018, à six mois de prison avec sursis pour homicide involontaire et à une suspension de quatre mois de son permis de conduire. Ce poste de ripeur qui correspond à un des emplois auquel il peut prétendre en tant qu’adjoint technique de propreté, et qu’il exerce dans la même zone de collecte, n’entraîne ni modification de sa situation administrative, ni conséquences pécuniaires défavorables, Bordeaux Métropole indiquant sans être contredite que la rémunération de M. B demeure équivalente à celle qu’il percevait antérieurement. Si le requérant soutient que cette décision n’a pas été prise dans l’intérêt du service dès lors que le service manquerait de chauffeurs, il ne l’établit pas en se bornant à invoquer le compte-rendu de la réunion de la commission administrative paritaire dont il ressort que l’un des membres fait état de sa crainte de voir l’intéressé affecté comme chauffeur dans l’hypothèse, non avérée, d’une pénurie de personnel qualifié pour ce poste. En outre, le requérant ne saurait sérieusement soutenir qu’étant titulaire d’un permis de conduire, cette mesure porterait atteinte à sa situation professionnelle, alors que son employeur n’était pas tenu, eu égard à son cadre d’emploi d’adjoint technique à la propreté, de l’affecter sur un poste de chauffeur. Dans ces conditions et alors au surplus que M. B ne saurait se prévaloir d’une priorité d’affectation au poste de chauffeur alors qu’il a déjà commis, antérieurement à l’accident mortel du 21 septembre 2016, un excès de vitesse important au volant d’un camion de collecte le 6 novembre 2008, la décision de Bordeaux Métropole a été prise dans l’intérêt du service tenant au respect de la bonne organisation du service de collecte des ordures ménagères qui est notamment de garantir la sécurité des usagers et de prévenir les accidents liés à l’utilisation des véhicules de collecte. Par suite, les moyens tirés de l’erreur de droit et de l’erreur d’appréciation entachant la décision de mutation en litige doivent être écartés.
4. En second lieu, une mutation d’office revêt le caractère d’une mesure disciplinaire déguisée lorsque, tout à la fois, il en résulte une dégradation de la situation professionnelle de l’agent concerné et que la nature des faits qui ont justifié la mesure et l’intention poursuivie par l’administration révèlent une volonté de sanctionner cet agent.
5. Il ressort de ce qui a été dit au point 3 que la mesure en litige, bien que prise à une date rapprochée de celle de la sanction disciplinaire dont a fait l’objet l’intéressé, n’affecte pas la situation administrative de ce dernier, quand bien même le poste de ripeur serait moins prisé que celui de chauffeur de camion, dès lors que, ainsi qu’il a été dit, il exerce dans le même secteur géographique selon des conditions financières équivalentes, et était justifiée par l’intérêt du service. Aucun élément du dossier ne permet, par ailleurs, de retenir une volonté de le sanctionner. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision en litige constitue une sanction disciplinaire déguisée doit être écarté.
6. Il résulte de ce qui précède que M. B n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d’annulation de la décision du 13 juin 2019 en litige. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d’injonction ne peuvent qu’être rejetées.
Sur les frais liés à l’instance :
7. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Bordeaux-Métropole, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. B au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de M. B la somme de 1 000 euros à verser à Bordeaux Métropole au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B est rejetée.
Article 2 : M. B versera à Bordeaux Métropole la somme de 1 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A B et à Bordeaux Métropole.
Délibéré après l’audience du 12 décembre 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Florence Demurger, présidente,
Mme Karine Butéri, présidente-assesseure,
Mme Caroline Gaillard, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 décembre 2022.
La rapporteure,
Caroline D
La présidente,
Florence Demurger
La greffière,
Catherine Jussy
La République mande et ordonne à la préfète de la Gironde en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
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