Un droit limité au chômage en fin de détachement
Rappel : les employeurs en supportent la charge et la gestion mais peuvent confier cette dernière à France travail par convention et adhérer au régime d’assurance pour les contractuels (article L. 5424–2 du code).
Le chômage est ainsi accordé aux agents licenciés ou dont le CDD n’est pas renouvelé.
Le Conseil d’État, considérant que les accords d’assurance chômage s’appliquent dans la limite de leur compatibilité avec les règles d’emploi des agents publics, charge à l’employeur d’examiner si les motifs d’une démission permettent de l’assimiler à une perte involontaire d’emploi (CE n° 215499 commune de Bouc Bel Air du 1er octobre 2001). De même, le refus de renouvellement d’un CDD ne la constitue pas, sauf si le refus est fondé sur un motif légitime lié notamment à des considérations d’ordre personnel ou à une modification substantielle du contrat, sans justification de l’employeur (CE n° 229251 CCAS de Puyravault du 13 janvier 2003).
Mais la non réintégration à l’issue d’une disponibilité pour convenances personnelles faute d’emploi vacant et le maintien de cette situation contre sa volonté réputent l’agent à la recherche d’un emploi et lui ouvre droit aux allocations de chômage (CE n° 216912 Mme X du 30 septembre 2002).
Ce droit est cependant exclu si le maintien en disponibilité n’est pas indépendant de la volonté de l’agent, notamment après le refus d’une proposition de l’employeur répondant aux conditions statutaires applicables (CE n° 380116 région Poitou-Charentes du 24 février 2016).
Rappel : depuis 2020, ces principes sont repris par un décret n° 2020–741 du 16 juin 2020.
La protection des agents détachés
Le fonctionnaire détaché bénéficie de fortes garanties, puisqu’au terme d’un détachement de longue durée il est obligatoirement réintégré dans son cadre d’emplois et réaffecté à la première vacance ou création d’emplois dans un poste de son grade de son employeur d’origine. En l’absence d’emploi vacant, il est maintenu en surnombre un an (articles L. 513–24 et 26 du code général de la fonction publique) et perçoit, comme le rappelle le rapporteur, le traitement correspondant à son grade, hors régime indemnitaire lié à l’exercice des fonctions.
Il dispose ainsi d’un droit à réintégration immédiate au sein de son employeur d’origine, sur un poste, ou en surnombre (CE n° 265873 Mme A du 2 juin 2006).
A son expiration, le fonctionnaire qui n’a pas pu être réintégré est reclassé dans un emploi correspondant à son grade et pris en charge par le centre de gestion ou le CNFPT (pour l’encadrement supérieur), qui poursuit ce travail de recherche d’un reclassement, avec maintien d’un traitement dégressif (articles L. 542-9 et suivants du code).
À noter : dans ces périodes successives, le fonctionnaire a priorité pour être affecté dans un emploi vacant correspondant à son grade dans sa collectivité d’origine et bénéficie de propositions de reclassement dans un autre cadre d’emplois, une autre collectivité, voire une autre fonction publique ou dans le secteur privé.
Néanmoins, cette prise en charge financière en surnombre, puis par le centre de gestion ou le CNFPT, n’est pas inconditionnelle, et cesse de s’appliquer s’il refuse l’emploi proposé à l’issue du détachement. Il est alors placé en disponibilité d’office.
Rappel : si, au cours de cette disponibilité, il refuse 3 postes correspondant à son grade, il est mis à la retraite ou licencié (article 20 du décret n° 86–68 du 13 janvier 1986). De même, dans le cadre d’une prise en charge, le refus de 3 offres d’emploi transmises par le centre de gestion ou le CNFPT entraîne sa mise d’office à la retraite ou son licenciement (article L. 542–22 du code).
Les incidences sur le chômage
Pour le rapporteur, ce dispositif ne prive pas le fonctionnaire d’emploi, puisque, réintégré en surnombre ou pris en charge, il est réputé en activité. Ensuite, ce statut lui assure un revenu d’activité par sa nature, et il est également un revenu de remplacement par sa fonction, avec lequel des allocations de chômage n’ont pas vocation à se cumuler.
Il en ira différemment si, au terme prévu du détachement, il est d’office en disponibilité pour refus de poste. Il bénéficiera d’allocations de chômage s’il en remplit les conditions, dont celle tenant au caractère involontaire de la privation d’emploi, incluses les dérogations liées à des motifs légitimes.
Il y a cependant une certaine difficulté à transposer des règles conçues pour des retours de disponibilité, au regard du système de prise en charge. Un agent refusant le poste proposé à sa réintégration parce qu’il ne répond pas aux conditions statutaires qui lui sont applicables devrait bénéficier du surnombre dans l’attente d’une proposition correspondant à son grade.
On pourrait donc considérer que les garanties de la loi sont exclusives des allocations chômage, le maintien de la totalité du traitement étant plus protecteur. En outre, le débiteur du chômage n’est pas nécessairement la collectivité publique compte tenu des règles de coordination en cas de succession d’employeurs.
Mais aucun texte n’exclut, par principe, les allocations chômage en raison de l’existence d’un autre dispositif de prise en charge. Si l’agent est en disponibilité d’office alors que son refus du poste proposé était justifié, il est bien involontairement privé d’emploi.
On pourrait donc admettre que, pour des situations assez marginales, se superposent les 2 dispositifs, le fonctionnaire ne pouvant jamais cumuler sa rémunération et du chômage. Et si le débiteur des allocations n’est pas la collectivité d’origine, il pourra se retourner contre elle sur la base de la faute commise en ne le réintégrant pas.
L’assimilation de la commune au CCAS
La femme conteste une proposition de poste de la commune alors qu’elle est agent du CCAS, un établissement public juridiquement distinct.
Mais, pour une réintégration après une disponibilité pour convenances personnelles, le Conseil d’État a estimé qu’il fallait tenir compte de l’absence de poste dans l’administration d’origine et de propositions de reclassement du CNFPT ou du centre de gestion (CE n° 243387 OPAC de la Sarthe du 28 juillet 2004). De plus, peuvent être proposés des postes susceptibles d’être occupés par mise à disposition ou détachement dans une régie dotée de la personnalité morale et de l’autonomie financière, mais chargée de l’exploitation d’un service public administratif de la collectivité (une région), et rattachée à elle (CE n° 406355 Mme B du 20 juin 2018). Le rapporteur s’appuyait cependant sur les dispositions législatives de la disponibilité prévoyant une réintégration dans le ressort territorial du cadre d’emplois.
Or, le détachement garantit un droit à réintégration immédiate sur un poste vacant ou en surnombre dans la collectivité d’origine, avant une prise en charge éventuelle. Ce n’est que si le fonctionnaire refuse un poste correspondant à son grade qu’il est placé d’office en disponibilité et licencié ou mis à la retraite au 3e refus, inclus les postes proposés en reclassement, le cas échéant, chez d’autres employeurs publics, avec l’appui du centre de gestion. L’élargissement du périmètre de réintégration intervient ainsi dans un second temps.
Reste donc l’étroitesse des liens du CCAS avec la commune. Depuis 2015, leur création n’est plus obligatoire en deçà de 1 500 habitants et, lorsqu’il existe, il est présidé par le maire, son conseil d’administration est composé d’élus du conseil municipal et de membres nommés par lui parmi les personnes participant à des actions de prévention, d’animation et de développement social dans la commune. Certaines délibérations sont soumises à l’avis conforme ou simple du conseil municipal et le maire, comme président, nomme le directeur et les agents. Pour le rapporteur public, la garantie de réintégration au terme du détachement couvre la commune et le CCAS. La femme n’a donc pas été involontairement privée d’emploi.
Un droit encadré au chômage
Pour le Conseil d’État, la réintégration du fonctionnaire est de droit à l’issue d’un détachement ou au terme initialement prévu, et son employeur d’origine doit lui proposer la première vacance ou création d’emplois correspondant à son grade. Dans le cas contraire, il le maintient en surnombre un an et lui propose en priorité tout poste créé ou vacant correspondant, étudie la possibilité d’un détachement ou d’une intégration directe dans un emploi équivalent d’un autre cadre d’emplois, examine, en même temps que le CNFPT ou le centre de gestion, les possibilités de reclassement. À son expiration, l’agent est pris en charge par l’établissement, qui le rémunère et lui propose tout emploi vacant correspondant à son grade. Durant le surnombre ou la prise en charge, il ne saurait bénéficier d’allocations de chômage.
Si, à l’expiration du détachement ou au cours du surnombre, il refuse un emploi correspondant à son grade relevant de sa collectivité d’origine, il est placé en disponibilité d’office. Il ne pourra pas prétendre au chômage, sauf à justifier son refus par un motif légitime.
À retenir : la femme se voit proposer plusieurs postes dans la commune. Si le CCAS est un établissement public distinct, au regard du code de la famille qui en impose la constitution dans toute commune d’au moins 1 500 habitants, compte tenu de la présidence du conseil d’administration par le maire qui nomme certains membres et le directeur, de délibérations soumises à l’avis (conforme) du conseil municipal, la proposition du CCAS à un agent, d’un emploi correspondant à son grade dans la commune, respecte son droit à se voir proposer un emploi relevant de sa collectivité ou établissement d’origine. Elle ne pouvait pas exiger que lui soit proposé un emploi similaire à celui occupé avant son détachement. Son refus d’un poste répondant aux conditions statutaires applicables et sa disponibilité d’office excluent toute privation involontaire d’emploi et droit à chômage.
CE n° 470421 CCAS de Jarville-la-Malgrange du 29 novembre 2023.
Pierre-Yves Blanchard le 21 mai 2024 - n°1860 de La Lettre de l'Employeur Territorial
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