Le retrait d’une sanction n’exclut pas une nouvelle mesure si les faits persistent
Dans une affaire, le président de la communauté urbaine inflige un blâme le 17 juin 2005 à un fonctionnaire pour absence injustifiée et non-respect des consignes, l’exclut 2 jours le 12 juillet, pour absence injustifiée le 4 mai et propos diffamatoires, menaçants ou incorrects adressés à ses supérieurs les 4 et 6 mai. A la demande de l'intéressé, le président retire sa décision le 27 octobre mais l’informe d’une nouvelle procédure. Le 7 juin 2006, prenant en compte les faits qui ont motivé la sanction retirée en juillet, l'absence de port de chaussures de sécurité le 5 mai, la mauvaise exécution de ses tâches le 29 juin et de nouveaux propos contestable les 1er et 15 juillet, le président exclut 6 mois le fonctionnaire.
Le dossier montre qu’après le refus de ses supérieurs d’imputer son absence du 4 mai sur ses congés annuels et de lui accorder des congés le 2 juillet et pour le pont du 14 juillet 2005, le fonctionnaire qualifie leur comportement de raciste et discriminatoire et met en cause leurs origines familiales ou religieuses. Ces faits justifient une sanction. Si un principe général interdit d'aggraver une sanction dont l’intéressé a obtenu le retrait après un recours gracieux, il n’interdit pas l’aggravation d’une sanction, antérieurement prononcée puis retirée, pour prendre en compte de nouvelles fautes. Le juge vérifie alors qu'elles sont bien, à elles seules, de nature à justifier la nouvelle sanction sans erreur manifeste d'appréciation. Dans l'affaire, compte tenu du blâme déjà prononcé le 17 juin pour des faits antérieurs, la persistance du comportement de l'intéressé après le 6 mai justifie la substitution de 6 mois d’exclusion aux 2 jours précédents. Le tribunal administratif a donc eu tort d'annuler la sanction.
Attention : sur le plan de la procédure, la cour indique qu’aucune disposition n'exige que le procès-verbal du conseil de discipline mentionne le nombre de voix exprimées et le résultat des votes. De même, rien n'interdit à l’employeur, au titre de la possibilité d'entendre les témoins (article 4 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984), de solliciter un représentant du personnel.
CAA Lyon n° 09LY01424 communauté urbaine de Lyon du 16 novembre 2010.
Pierre-Yves Blanchard le 10 juillet 2012 - n°1313 de La Lettre de l'Employeur Territorial

N° 09LY01424
3ème chambre - formation à 3
M. FONTANELLE, président
M. Pierre Yves GIVORD, rapporteur
Mme SCHMERBER, rapporteur public
PROUVEZ, avocat
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée le 24 juin 2009, présentée pour la COMMUNAUTE URBAINE DE LYON (COURLY), représentée par le président en exercice de son conseil, dont le siège est 20 rue du Lac à Lyon (69003) ;
La COURLY demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0606929 du 21 avril 2009 du Tribunal administratif de Lyon, en tant que par ce jugement, le Tribunal a annulé, à la demande de M. A, l'arrêté en date du 7 juin 2006 par lequel le président du conseil de la COURLY avait infligé à M. A la sanction d'exclusion temporaire des fonctions pour une durée de six mois, ensemble la décision confirmative du 15 septembre 2006 ;
2°) de rejeter la demande présentée au Tribunal par M. A ;
La COURLY soutient que la sanction en litige n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Vu le jugement et la décision attaqués ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 2 novembre 2009, présenté pour M. A qui conclut au rejet de la requête ; il demande, en outre, à la cour d'annuler le jugement susmentionné en tant qu'il a rejeté la demande indemnitaire qu'il avait présentée et de condamner la COURLY à lui verser la somme de 24 142,55 euros en réparation des préjudices résultant de la décision en litige, et celle de 2 500 euros, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; il soutient que la sanction en litige était entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; qu'au surplus, la sanction a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que la parité n'a pas été respectée devant le conseil de discipline, que le principe d'impartialité des membres de ce conseil a été méconnu, que le procès verbal de la séance ne précise pas le nombre de voix exprimées ; que la décision litigieuse méconnaît le principe du non cumul des sanctions disciplinaires et celui d'interdiction d'aggravation d'une sanction après un recours gracieux ; que les faits reprochés ne sont pas établis ; que son exclusion illégale du service lui a causé un préjudice matériel et moral ;
Vu l'ordonnance en date du 5 mars 2010 fixant la clôture d'instruction au 7 mai 2010, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;
Vu le mémoire, enregistré le 22 avril 2010, présenté pour la COURLY qui persiste dans ses conclusions et moyens ; elle soutient, en outre, que la décision n'est pas entachée de vices de procédure ; que l'agent n'a pas été sanctionné deux fois pour les mêmes faits ; que la sanction en litige n'a pas été prise dans le cadre d'un recours gracieux mais dans celui d'une nouvelle procédure disciplinaire ; que les faits sanctionnés sont établis ; que la demande indemnitaire est mal fondée ;
Vu la lettre en date du 27 octobre 2010, informant les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la décision à intervenir est susceptible d'être fondée sur un moyen soulevé d'office ;
Vu le mémoire, enregistré le 29 octobre 2010, présenté pour M. A qui soutient que ses conclusions indemnitaires sont recevables dès lors que la COURLY a demandé l'annulation totale du jugement ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
Vu le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 novembre 2010 :
- le rapport de M. Givord, président-assesseur ;
- les observations de Me Messaoud, représentant la COURLY et de Me Duflot, représentant M. A ;
- et les conclusions de Mme Schmerber, rapporteur public ;
La parole ayant été, de nouveau, donnée aux parties présentes ;
Considérant que par la présente requête, la COURLY demande à la Cour d'annuler le jugement du 21 avril 2009, en tant que, par ce jugement, le Tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté en date du 7 juin 2006 et la décision confirmative du 15 septembre 2006 par lesquels le président du conseil de la communauté avait exclu M. A, agent de salubrité, de ses fonctions pour une durée de six mois ; que, par un appel incident, M. A demande à la Cour de réformer le même jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires et de condamner la COURLY à lui verser la somme de 24 142,55 euros en réparation des préjudices résultant des décisions en litige ;
Sur l'appel principal :
Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que M. A a été sanctionné par un blâme, le 17 juin 2005, pour absence injustifiée et non respect des consignes ; qu'il a, ensuite, fait l'objet d'une sanction d'exclusion temporaire des fonctions pour une durée de deux jours, le 12 juillet 2005, au motif d'une absence injustifiée le 4 mai 2005 et de propos diffamatoires, menaçants ou incorrects, adressés à des supérieurs hiérarchiques les 4 et 6 mai 2005 ; qu'après un recours gracieux de l'intéressé, le président du conseil de la communauté a retiré, le 27 octobre 2005, la décision du 12 juillet et informé l'agent qu'une nouvelle procédure disciplinaire allait être ouverte à son encontre ; que par un arrêté du 7 juin 2006, en prenant en considération les faits qui avaient motivé la sanction retirée du 12 juillet 2005, ainsi que l'absence de port des chaussures de sécurité le 5 mai 2005, la mauvaise exécution de ses tâches par l'agent le 29 juin 2005 et de nouveaux propos diffamatoires, menaçants ou incorrects envers plusieurs membres de sa hiérarchie tenus les 1er et 15 juillet 2005, le président du conseil de la COURLY a exclu M. A de ses fonctions pour une durée de six mois, au motif de la mauvaise exécution de ses tâches par l'agent et de son manque de respect envers la hiérarchie ;
Considérant que l'absence non autorisée du 4 mai 2005 et la mauvaise exécution volontaire de son service par l'agent, le 26 juin 2005, sont établies par les pièces du dossier ; qu'à la suite du refus de ses supérieurs hiérarchiques de prendre en compte l'absence du 4 mai au titre des congés annuels et de lui accorder des jours de congé pour le samedi 2 juillet et le pont du 14 juillet 2005, il est établi par les pièces du dossier que M. A a tenu à l'égard de ses supérieurs hiérarchiques des propos diffamatoires, menaçants ou incorrects, imputant à ceux-ci un comportement raciste et discriminatoire et mettant en cause leurs origines familiale ou religieuse ; que ces faits sont de nature à justifier une sanction disciplinaire ;
Considérant qu'en vertu d'un principe général du droit disciplinaire, l'autorité administrative ne peut aggraver une sanction sur le seul recours de l'intéressé ; que ce principe ne fait cependant pas obstacle à ce que l'autorité administrative aggrave une sanction antérieurement prise puis retirée pour prendre en compte de nouveaux faits fautifs commis par l'agent ; que toutefois, il appartient alors au juge de vérifier que les nouvelles fautes commises par l'agent sont, à elles seules, de nature à justifier, sans erreur manifeste d'appréciation, l'aggravation de la sanction décidée par l'autorité administrative ;
Considérant que dans les circonstances de l'espèce, eu égard notamment au blâme déjà prononcé le 17 juin 2005 pour des faits antérieurs, la persistance du comportement fautif de M. A après le 6 mai 2005 était d'une gravité telle qu'elle justifiait, sans erreur manifeste d'appréciation, que le président du conseil de la COURLY substitue à la sanction d'exclusion temporaire des fonctions pour deux jours celle d'une exclusion pour six mois ; que, dès lors, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a annulé pour ce motif l'arrêté attaqué du 7 juin 2006, ensemble la décision confirmative du 15 septembre 2006 ;
Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A devant le Tribunal administratif et la Cour ;
Considérant qu'il résulte des signatures apposées sur le procès-verbal du conseil de discipline du 3 avril 2006 que cinq représentants de l'autorité territoriale et du personnel siégeaient lors de cette séance ; qu'ainsi, M. A n'est pas fondé à soutenir que le conseil de discipline aurait siégé en l'absence de la parité numérique prévue par les dispositions de l'article 90 de la loi susvisée du 26 janvier 1984 ;
Considérant qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoit que le procès verbal du conseil de discipline mentionne le nombre de voix exprimées et le résultat des votes du conseil de discipline ;
Considérant qu'en vertu de l'alinéa dernier de l'article 90 de la loi susvisée du 26 janvier 1984, l'autorité territoriale et le fonctionnaire peuvent faire entendre des témoins ; que la circonstance que l'une des personnes appelées à témoigner par la COURLY était représentant du personnel n'est pas de nature à vicier la procédure ;
Considérant que l'arrêté du 12 juillet 2005 prononçant une sanction disciplinaire à l'encontre de M. A, à raison de son absence irrégulière le 4 mai 2005 et des propos tenus les 4 et 6 mai 2005, a été retiré le 27 octobre 2005 ; que dès lors, ces faits pouvaient légalement, sans méconnaître le principe non bis in idem , être pris en compte avec d'autres pour motiver la sanction en litige ;
Considérant, comme il a été dit précédemment, que les faits reprochés et établis justifiaient sans erreur manifeste d'appréciation la sanction en litige et que l'autorité territoriale pouvait aggraver la sanction après le recours gracieux de l'intéressé dès lors qu'étaient prises en compte de nouvelles fautes commises par celui-ci ;
Considérant que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COURLY est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté en date du 7 juin 2006 par lequel le président de son conseil avait infligé à M. A la sanction d'exclusion temporaire des fonctions pour une durée de six mois, ensemble la décision confirmative du 15 septembre 2006 et à demander le rejet de la demande présentée par l'agent ;
Sur l'appel incident :
Considérant que la COURLY a seulement demandé l'annulation du jugement en tant que le Tribunal avait annulé la sanction prononcée contre l'agent ; que les conclusions de l'appel incident de M. A dirigées contre l'article 2 du jugement du tribunal administratif rejetant ses conclusions indemnitaires soulèvent un litige différent de celui qui résulte de l'appel principal ; que dès lors elles ne sont pas recevables ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la COURLY qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement susvisé du 21 avril 2009 du Tribunal administratif de Lyon est annulé. La demande présentée au tribunal administratif par M. A est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de M. A tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNAUTE URBAINE DE LYON et à M. Farid A.
Délibéré après l'audience du 2 novembre 2010, à laquelle siégeaient :
M. Fontanelle, président de chambre,
M. Givord, président-assesseur,
M. Seillet, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 16 novembre 2010.
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