L’employeur peut totalement supprimer le régime indemnitaire d’un agent
Si l'attribution d'un avantage financier comme une indemnité de fonctions constitue un acte créateur de droits, cette qualification n’interdit pas son abrogation si l'intéressé n’en remplit plus les conditions ou si l'employeur modifie l'appréciation qui avait justifié son octroi. Le pouvoir de modulation conféré au maire par une délibération instituant le régime indemnitaire lui permet donc de fixer à 0 % le taux de l'indemnité.
C'est ainsi que les agents de police municipale peuvent bénéficier d'une indemnité spéciale mensuelle de fonctions au taux maximal de 20 % de leur traitement (décret n° 97-702 du 31 mai 1997).
Dans une affaire, le conseil municipal accorde, en janvier 2007, cette indemnité spéciale de fonctions aux gardiens de police dont le maire détermine individuellement les montants des coefficients multiplicateurs en fonction de critères d'assiduité, de niveau de responsabilité de l'agent et de taux d'encadrement, et des contraintes particulières liées à son poste et à sa manière de servir. Pour ce dernier critère, la délibération précise que les modulations s'apprécient à partir de la note de 11 et que si cette dernière est inférieure, les agents perdent le bénéfice de la totalité du régime indemnitaire auquel ils pourraient prétendre, une mesure qui s'applique l’année suivant celle de notation et sera reconduite tant que la note n'atteint pas 11/20. Sur la base de cette délibération, le maire modifie, le 18 janvier 2010, le montant de l'indemnité d'un agent dont la note pour 2009 est inférieure à 11/20.
À retenir : le tribunal considère que si l’élu peut modifier le taux de l'indemnité, il ne peut pas totalement la supprimer. Mais, pour le Conseil d'État en cassation, le juge a méconnu les dispositions de la loi et du décret, donnant raison à la mairie.
CE n° 350683 commune d’Orange du 11 février 2013.
Pierre-Yves Blanchard le 19 mai 2015 - n°1445 de La Lettre de l'Employeur Territorial

N° 350683
3ème sous-section jugeant seule
Mme Agnès Martinel, rapporteur
SCP LESOURD ; SCP BARTHELEMY, MATUCHANSKY, VEXLIARD, avocats
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistré les 7 juillet et 7 octobre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour la commune d'Orange, représentée par son maire ; la commune demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement n° 1000615 du 12 mai 2011 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a, à la demande de M.A..., annulé l'arrêté du 28 janvier 2010 par laquelle le maire d'Orange a supprimé l'indemnité spéciale mensuelle de fonctions dont bénéficiait l'intéressé ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Nîmes ;
3°) de mettre à la charge de M. A...la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ;
Vu la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 ;
Vu le décret n° 91-875 du 6 septembre 1991 ;
Vu le décret n° 97-702 du 31 mai 1997 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Agnès Martinel, Maître des requêtes en service extraordinaire,
- les observations de la SCP Barthelemy, Matuchansky, Vexliard, avocat de la commune d'Orange et de la SCP Lesourd, avocat de M. A...,
- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Barthelemy, Matuchansky, Vexliard, avocat de la commune d'Orange et de la SCP Lesourd, avocat de M. A... ;
1. Considérant que le premier alinéa de l'article 88 de la loi du 26 janvier 1984 dispose : " L'assemblée délibérante de chaque collectivité territoriale ou le conseil d'administration d'un établissement public local fixe (...) les régimes indemnitaires dans la limite de ceux dont bénéficient les différents services de l'État (...) " ; que le premier alinéa de l'article 1er du décret du 6 septembre 1991 prévoit : " Le régime indemnitaire fixé par les assemblées délibérantes des collectivités territoriales et les conseils d'administration des établissements publics locaux pour les différentes catégories de fonctionnaires territoriaux ne doit pas être plus favorable que celui dont bénéficient les fonctionnaires de l'Etat exerçant des fonctions équivalentes " ; que selon l'article 2 du même décret : " L'assemblée délibérante de la collectivité ou le conseil d'administration de l'établissement fixe, dans les limites prévues à l'article 1er, la nature, les conditions d'attribution et le taux moyen des indemnités applicables aux fonctionnaires de ces collectivités ou établissements./ (...) L'autorité investie du pouvoir de nomination détermine, dans cette limite, le taux individuel applicable à chaque fonctionnaire. " ;
2. Considérant que le caractère créateur de droits de l'attribution d'un avantage financier tel qu'une indemnité de fonctions ne fait pas obstacle à ce que cette décision soit abrogée si l'intéressé ne remplit plus les conditions auxquelles cet avantage est subordonné ou si l'administration modifie l'appréciation qui avait justifié son attribution ; que le pouvoir de modulation conféré au maire par une délibération du conseil municipal instituant un régime indemnitaire, en application des dispositions citées de la loi du 26 janvier 1984 et du décret du 6 septembre 1991, lui permet de fixer, le cas échéant, à 0 p. 100 le taux de l'indemnité ;
3. Considérant que l'article 1er du décret du 31 mai 1997 dispose : " L'assemblée délibérante de la collectivité territoriale qui les emploie peut décider que les fonctionnaires du cadre d'emplois des agents de police municipale (...) perçoivent une indemnité spéciale mensuelle de fonctions déterminée en appliquant au montant mensuel du traitement soumis à retenue pour pension de l'agent concerné un taux individuel fixé dans la limite des taux maximums suivants :/ Cadre d'emplois des agents de police municipale : 20% (...) " ; qu'il résulte des pièces du dossier soumis au juge du fond que, par une délibération du 24 janvier 2007, le conseil municipal d'Orange a modifié le régime indemnitaire des agents municipaux et prévu à cette occasion, pour les gardiens de police, une indemnité spéciale de fonctions dont " les bénéficiaires, les montants et les coefficients multiplicateurs seront déterminés individuellement par le maire en fonction de critères " qu'elle fixe ; qu'à cet égard, la délibération a prévu que l'indemnité est attribuée au regard des quatre critères que sont l'assiduité de l'agent, son niveau de responsabilité et le taux d'encadrement, les contraintes particulières liées à son poste ainsi que de sa manière de servir ; que, s'agissant de ce dernier critère, la délibération précise que " la modulation s'apprécie à partir de la note 11 ", que " si la note annuelle fixée par l'autorité territoriale est inférieure à 11/20, les agents perdront le bénéfice de la totalité du régime indemnitaire auquel ils pourraient prétendre " et que cette mesure s'appliquera " pendant un an suivant l'année de notation et sera reconduite tant que la note n'aura pas atteint 11/20 " ;
4. Considérant que par arrêté du 18 janvier 2010, modifié par arrêté du 28 janvier 2010, le maire d'Orange a supprimé, à compter de la date de notification du second de ces arrêtés, l'indemnité spéciale de fonctions instituée au bénéfice des gardiens de police municipaux par la délibération citée du 24 janvier 2007, auparavant attribuée à M.A..., au motif que l'intéressé avait obtenu, pour l'année 2009, une note inférieure à 11 sur 20 ; que la commune se pourvoit en cassation contre le jugement du 12 mai 2011 par lequel le tribunal administratif de Nîmes, sur la demande de M.A..., a annulé l'arrêté du 28 janvier 2010 du maire d'Orange ;
5. Considérant qu'en jugeant que le maire d'Orange pouvait se fonder sur la note insuffisante attribuée à M. A...au titre de l'année 2009 pour moduler le taux de l'indemnité de fonctions dont bénéficiait l'intéressé, mais qu'il ne pouvait légalement supprimer cette indemnité, le tribunal administratif a méconnu les dispositions citées de la loi du 26 janvier 1984 et du décret du 6 septembre 1991 ; qu'il suit de là, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, que la commune d'Orange est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué, qui est entaché d'une erreur de droit ;
Sur les conclusions aux fins d'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la commune d'Orange au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que les mêmes dispositions font obstacle à ce qu' une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune d'Orange qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;
D E C I D E :
----------
Article 1er : Le jugement n° 1000615 du 12 mai 2011 du tribunal administratif de Nîmes est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant le tribunal administratif de Nîmes.
Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi est rejeté.
Article 4 : Les conclusions de M. A...présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. B...A...et à la commune d'Orange.
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