Des relations professionnelles tendues peuvent entraîner une mise à la retraite d'office Abonnés
Dans une affaire, le maire d'une commune de 2 500 habitants met d’office à la retraite une attachée, secrétaire de mairie. Elle se déclare victime de harcèlement moral, des agissements répétés qui ont pour objet ou effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et sa dignité, d'altérer sa santé ou de compromettre son avenir professionnel (article 6 quinquies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983). L'agent qui s’estime victime doit présenter des éléments susceptibles d'en faire présumer l'existence, à charge pour l'employeur de justifier son attitude par des considérations étrangères à tout harcèlement. Le juge se détermine au vu des échanges, qu'il peut compléter de mesures d'instruction. Dans son analyse, il tient compte des comportements de l'agent présumé responsable et de la victime déclarée.
Dès son élection en mars 2008, le nouveau maire retire à la femme son poste de secrétaire de mairie et l'affecte dans un service juridique nouvellement créé, qui constituerait un « placard », lui infligeant des brimades alors qu'elle a parfaitement rempli ses fonctions pendant 20 ans. Ces éléments, de nature à laisser présumer un harcèlement, sont corroborés par une attestation du 20 juin 2008 relatant les propos du maire et l'annulation de la délibération du 13 novembre réorganisant les services pour absence de consultation de la CAP.
Une insuffisance confirmée par l’ancienne équipe qui exclut tout harcèlement
Cependant, les 2 et 4 novembre 2004, le maire et 13 membres de l'ancien conseil municipal confirment de fortes difficultés relationnelles. La secrétaire de mairie tend à s'affranchir de sa hiérarchie, manque de confidentialité dans la gestion, profère des opinions défavorables contre les élus et les agents avec une ironie déplacée et un manque de civilité. Malgré sa proposition au grade d’attaché principal fin 2007, son attitude participe à la forte dégradation des relations sociales de la commune, l'agent se plaignant déjà d'être écarté de ses fonctions. Surtout, la réorganisation des services est bien réalisée dans l'intérêt de la mairie, nonobstant le défaut de consultation de la CAP. Les attestations de 2 agents et des courriels confirment que l'attachée refuse à plusieurs reprises d’exécuter des ordres précis du maire, estimant qu'il lui appartient de conseiller son employeur, alors qu’ils ne sont pas manifestement illégaux et de nature à compromettre gravement un intérêt public, seul motif légal de désobéissance. L'agent adopte régulièrement, envers les élus et les agents subalternes, une attitude irrespectueuse peu compatible avec ses fonctions. Eu égard au grade et aux fonctions de la femme, ainsi qu’au contexte local, la gravité de ce comportement justifie une mise à retraite d'office. La réorganisation, menée sans doute rapidement et sans conciliation n'en reste pas moins motivée par l'intérêt communal, excluant tout détournement de pouvoir.
Reste, au plan formel, le respect des droits de défense (article 4 du décret n° 89-677 du 18 septembre 1989). Le 29 septembre 2009, le maire lui adresse un courrier mentionnant les griefs reprochés, l'informant de l'engagement d'une procédure disciplinaire en vue d'une mise à la retraite d'office, de la saisine du conseil de discipline et du droit à la communication de son dossier. Le maire invite la secrétaire de mairie à le consulter à partir du 28 septembre, à se faire représenter des conseils de son choix devant le conseil de discipline et à citer tout témoin, joignant au courrier le rapport de saisine. L'agent consulte son dossier le 30 septembre et produit, le 12 octobre, des observations en défense versées au dossier.
À retenir : la sanction se fondant sur les griefs figurant dans le courrier initial du maire, l'agent a eu accès à un dossier complet et le délai dont la femme a disposé pour organiser sa défense a été suffisant. Par ailleurs, le fonctionnaire devant être convoqué par le président du conseil de discipline 15 jours au moins avant la séance par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, le maire saisit le conseil le 15 juillet 2009, informe la femme de sa saisine et de la réunion fixée au 15 octobre suivant, permettant à l'attachée de demander un rendez-vous pour consulter son dossier le 21 septembre. En pratique, le délai de 15 jours a bien été respecté.
CAA Marseille n° 11MA00657 Mme G du 13 janvier 2013.
Pierre-Yves Blanchard le 17 juin 2014 - n°1403 de La Lettre de l'Employeur Territorial
- Conserver mes publications au format pdf help_outline
- Recevoir par mail deux articles avant le bouclage de la publication.help_outline
- Créer mes archives et gérer mon fonds documentairehelp_outline
- Bénéficier du service de renseignements juridiqueshelp_outline
- Bénéficier du service InegralTexthelp_outline
- Gérer mon compte abonnéhelp_outline