Un agent malade faisant l’objet d’une exclusion n’a pas droit à une rémunération
Un fonctionnaire à la fois exclu temporairement de ses fonctions et placé en maladie a-t-il droit au versement des indemnités liées à ce congé ?
Juridiquement, les procédures disciplinaires et de placement en maladie sont distinctes, un agent malade pouvant faire l’objet d’une sanction.
Cette position tient à l’objet même du congé de maladie, qui vise à compenser la perte de rémunération du fonctionnaire en l’absence de service fait, l’octroi d’un congé de maladie étant lié à une affection dûment constatée, mettant le fonctionnaire dans l’impossibilité de travailler (art. 14, décret n° 87–602 du 30/7/1987).
Mais, ce faisant, les garanties qu’il comporte ne sauraient avoir pour effet d’accorder à l’intéressé des droits salariaux supérieurs à ceux auxquels il aurait pu prétendre s’il n’avait pas été placé en congé de maladie.
Le Conseil d’État a estimé, à propos d’un fonctionnaire en maladie, mais faisant l’objet d’une mesure de contrôle judiciaire lui interdisant d’exercer son activité professionnelle, qu’il ne pouvait pas percevoir son traitement car, dans le cas contraire, il aurait bénéficié de droits supérieurs à ceux auxquels il aurait pu prétendre s’il n’avait pas bénéficié d’un tel congé (CE n° 346979 M. A du 8 octobre 2019).
Dans l’affaire qui lui est soumise, le ministère de l’Éducation relève qu’entre le 4 et le 8 novembre, où l’enseignant se trouve en congé, la sanction n’avait pas encore pris effet, de sorte qu’il pouvait percevoir sa rémunération.
Mais, à partir du 9, s’il n’avait pas été en maladie il n’aurait perçu aucun salaire puisqu’il était exclu temporairement de ses fonctions. Son placement en maladie ne saurait donc lui ouvrir un quelconque droit à rémunération pendant l’exclusion temporaire.
Note DAJ n° 2022-009550 du 29 septembre 2022, lettre DAJ janvier 2023.
Le fonctionnaire exclu temporairement de fonctions peut bénéficier d'un sursis : dispense accordée à un agent ayant pour effet de ne pas l'exclure effectivement du service pour tout ou partie de la durée de la sanction disciplinaire. Toutefois, en cas d'exclusion temporaire de fonctions du 3e groupe, le fonctionnaire est obligatoirement exclu du service, au minimum 1 mois, même en cas de sursis.
Le sursis est annulé si le fonctionnaire fait l'objet, au cours des 5 ans qui suivent la décision d'exclusion, de l'une des sanctions suivantes :
- exclusion temporaire de fonctions de 3 jours maximum ;
- nouvelle sanction du 2e ou du 3e groupes.
La durée de l'exclusion pour laquelle il était en sursis est alors appliquée intégralement. En revanche, il est définitivement dispensé de la durée de l'exclusion pour laquelle il était en sursis si aucune sanction, autre que l'avertissement ou le blâme, n'a été prononcée à son encontre pendant ces 5 ans.
Paul Durand
Pierre-Yves Blanchard le 26 septembre 2023 - n°1828 de La Lettre de l'Employeur Territorial

La direction des affaires juridiques a été interrogée sur les modalités d’exécution d’un jugement rendu par un tribunal administratif, et plus particulièrement sur la question de l’articulation entre le placement en congé de maladie ordinaire d’un agent et l’infliction, concomitamment, d’une sanction disciplinaire.
Par un arrêté du 4 novembre 2019, un professeur certifié s’était vu infliger la sanction de l’exclusion temporaire de fonctions pour une durée de quatre mois à compter du 9 novembre suivant.
Or, le 8 novembre 2019, ce professeur avait été placé en congé de maladie ordinaire du 4 novembre 2019 au 10 janvier 2020. Par un arrêté du 9 novembre 2019, le recteur avait retiré cette décision, qui a été annulée par le tribunal administratif.
En exécution de ce jugement, le professeur a demandé le versement des indemnités liées à son placement en congé de maladie ordinaire du 4 novembre 2019 au 10 janvier 2020.
L’administration s’est alors interrogée sur la question de savoir si l’intéressé, concomitamment exclu temporairement de ses fonctions et placé en congé de maladie, avait droit au versement des indemnités liées à ce congé de maladie.
En droit, dans la mesure où la procédure disciplinaire et celle de placement en congé de maladie sont distinctes, la circonstance qu’un agent soit placé en congé de maladie ne fait pas obstacle à l’entrée en vigueur d’une sanction disciplinaire.
Si le Conseil d’État ne l’a à ce jour jugé que pour les sanctions du quatrième groupe (cf. C.E., 6 juillet 2016, n° 392728 et n° 394484, aux tables du Recueil Lebon), de nombreuses cours administratives d’appel l’ont jugé pour d’autres sanctions (C.A.A. Versailles, 5 juin 2020, n° 18VE03613, s’agissant d’une décision d’exclusion temporaire de fonctions).
Cela se déduit du fait que les dispositions relatives au congé de maladie, qui ont pour objet de compenser la perte de rémunération en raison de l’absence de service fait, ne peuvent avoir pour effet d’accorder au fonctionnaire des droits à rémunération supérieurs à ceux qu’il aurait eus s’il n’avait pas été placé en position de congé de maladie (cf. C.E., 8 octobre 2012, n° 346979, aux tables du Recueil Lebon ; pour une application récente : C.A.A. Nantes, 17 décembre 2021, n° 20NT03106 ; C.A.A. Douai, 25 novembre 2021, n° 20DA01958).
En l’espèce, s’agissant de la période courant du 4 novembre 2019 au 8 novembre 2019, l’intéressé était placé en congé de maladie ordinaire et la sanction disciplinaire n'était pas entrée en vigueur : le traitement qu’il a perçu lui était donc dû.
S’agissant de la période courant du 9 novembre 2019 au 10 janvier 2020, si le professeur certifié n’avait pas été placé en congé de maladie, il n’aurait perçu aucune rémunération puisqu’il était exclu temporairement de ses fonctions pour une durée de quatre mois.
La direction des affaires juridiques en a conclu, suivant un raisonnement qui devra être confirmé par le Conseil d’État, que dans ces conditions, son placement en congé de maladie ne saurait lui ouvrir un quelconque droit à rémunération pendant la durée de l'exclusion temporaire de fonctions dont il a fait l'objet.
À compter du 9 mars 2020, soit à l'expiration de l'exclusion temporaire de fonctions, le professeur certifié devait être réintégré dans ses fonctions, et donc percevoir son traitement.
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