Le remboursement de fonds détournés n’exclut pas une révocation
C’est ce qu’exprime la loi en indiquant que « toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale » (article 29 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983). Ces procédures sont généralement distinctes l’une de l’autre, toute responsabilité collective de l’employeur ne caractérisant pas nécessairement une faute disciplinaire, pas plus que l’engagement d’une responsabilité pénale de l’agent ne signifie qu’il sera sanctionné par son employeur. Dans ses liens avec le juge pénal, la collectivité n’est tenue que par le constat matériel des fait retenus par le tribunal (pour autant que la sanction disciplinaire soit prononcée après le jugement pénal).
Le retrait de plainte est distinct de la sanction
Dans une affaire, le directeur général de La Poste révoque une guichetière le 27 septembre 1995 pour détournement de fonds en septembre et octobre précédents, au préjudice de 3 clients. Les faits matériellement établis entraînent sa condamnation le 26 mars 1996 à 8 mois de prison avec sursis. En raison de l’indépendance des procédures pénales et disciplinaires, même si La Poste retire sa plainte contre la salariée dès le remboursement de l’argent détourné, elle conserve, comme employeur, la possibilité d’une sanction disciplinaire. Cette dernière ne doit pas être manifestement disproportionnée aux comportements de l’agent. L’existence d’un remboursement des sommes n’enlève rien à la gravité des agissements de l’intéressée, qui justifient une révocation quelles que soient les difficultés personnelles et matérielles de l’agent.
A retenir : cette décision intéresse directement les employeurs locaux, parfois confrontés à ces hypothèses de malversations financières ou de vol, que les agents espèrent atténuer en rapportant ou en remboursant les produits et sommes détournés. Rappelons que le juge exerce un contrôle dit « normal » sur la qualification de faute ou manquement de l’agent à ses obligations professionnelles, mais laisse à l’employeur un pouvoir discrétionnaire dans l’adéquation de la sanction à la faute, limitant son contrôle à l’exactitude matérielle des faits, l’absence d’erreur de droit (compréhension et portée de la règle applicable), de détournement de pouvoir et d’erreur manifeste d’appréciation.
CAA Marseille n° 98MA00025 Mme X. du 24 octobre 2000.
Pierre-Yves Blanchard le 05 juillet 2011 - n°1264 de La Lettre de l'Employeur Territorial

N° 98MA00025
2E CHAMBRE
M. Berger, président
M. Bedier, rapporteur
M. Bocquet, commissaire du gouvernement
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 8 janvier 1998 sous le n° 98MA00025, présentée par Mme Dominique X..., demeurant place de l'Eglise à Savines-le-Lac (05160) ;
Mme X... demande à la Cour d'annuler le jugement n° 96-6288 en date du 23 octobre 1997 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête tendant à l'annulation de la décision en date du 19 septembre 1996 par laquelle le directeur général de LA POSTE a maintenu à son encontre la sanction de la révocation qui lui avait été infligée par décision du 27 septembre 1995 ;
Mme X... soutient qu'elle doit faire face à des difficultés financières ; qu'elle n'a pas retrouvé de travail depuis sa révocation ; que LA POSTE a retiré sa plainte dès le remboursement intégral de l'argent détourné que la sanction de la révocation est disproportionnée par rapport à la faute commise ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 16 juillet 1998, présenté par LA POSTE ;
LA POSTE demande à la Cour de rejeter la requête de Mme X... et de confirmer le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 octobre 2000 ;
- le rapport de M. BEDIER, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. BOCQUET, premier conseiller ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête ;
Considérant que par une décision en date du 27 septembre 1995, le directeur général de LA POSTE a prononcé à l'encontre de Mme X... la sanction de la révocation ; que, suite au recours formé par l'intéressée devant le conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat, cette sanction a été maintenue par décision en date du 19 septembre 1996 ; que Mme X... relève appel du jugement en date du 23 octobre 1997 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête tendant à l'annulation de la décision en date du 19 septembre 1996 ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X... qui exerçait ses fonctions au guichet du bureau de POSTE d'Avignon les Olivades s'est livrée en septembre et en octobre 1994 à des détournements de fonds commis au préjudice de trois clients ; que la matérialité de ces faits a été, en outre, reconnue par un jugement devenu définitif en date du 26 mars 1996 du Tribunal de grande instance d'Avignon statuant en matière correctionnelle et condamnant l'intéressée à une peine de huit mois d'emprisonnement avec sursis ;
Considérant, en premier lieu, que, compte tenu de l'indépendance de la procédure pénale et de la procédure disciplinaire, la circonstance que LA POSTE aurait retiré sa plainte à l'encontre de la requérante dès le remboursement de l'argent détourné ne privait pas l'administration de la possibilité de prendre à l'encontre de l'intéressée une sanction disciplinaire ;
Considérant, en second lieu, que le fait que Mme X... a procédé au remboursement des sommes détournées n'est pas de nature à ôter aux agissements de l'intéressée leur caractère de gravité ; qu'en outre, compte tenu de ce caractère de gravité, le directeur général de LA POSTE, s'est livré à une appréciation, qui, même en tenant compte des difficultés d'ordre personnel et matériel invoquées comme excuse par l'intéressée, n'est pas entachée d'erreur manifeste ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ;
Article 1er : La requête de Mme X... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme X..., à LA POSTE et au ministre des finances, de l'économie et de l'industrie.
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