La fausse déclaration d’un diplôme justifie une révocation
Dans une affaire, le directeur de la chambre de commerce et d’industrie révoque un salarié. À son recrutement, il a en effet déclaré être détenteur d'un diplôme qu’il ne possède pas et a ensuite tenu des propos susceptibles de discréditer son employeur lors d'une manifestation publique à laquelle il représentait la chambre de commerce et d’industrie. Un tel comportement est bien de nature à justifier une sanction et la révocation n'apparaît pas manifestement disproportionnée à la faute commise. Relevons que la nomination pourrait être considérée comme obtenue par fraude et que cette illégalité d'une particulière importance ne peut pas créer de droits à son bénéficiaire, la décision pouvant être retirée à toute époque.
Attention : dans cette affaire, la chambre de commerce règle d'abord la sanction dans un cadre transactionnel. Le tribunal puis le conseil d'État rappellent que l'employeur ne peut pas écarter par un accord contractuel l'application de dispositions d'ordre public et donc ne peut pas refuser d'appliquer une procédure disciplinaire. Cette indication peut être utile aux employeurs qui hésitent parfois à engager une procédure disciplinaire et préféreraient un départ amiable de l'agent.
CE n° 315097 M. A du 9 mai 2011.
Pierre-Yves Blanchard le 28 août 2012 - n°1316 de La Lettre de l'Employeur Territorial

N° 315097
7ème et 2ème sous-sections réunies
M. Philippe Martin, président
M. Francis Girault, rapporteur
M. Bertrand Dacosta, rapporteur public
SCP MASSE-DESSEN, THOUVENIN ; SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO, avocats
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 14 avril et 15 juillet 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Eric A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 04LY01433 du 3 juillet 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement n° 0203799 du 1er juillet 2004 du tribunal administratif de Lyon ayant rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 3 juillet 2002 du président de la chambre de commerce et d'industrie de Lyon prononçant sa révocation et, d'autre part, à l'annulation de cette décision ;
2°) réglant l'affaire au fond, d'annuler le jugement du 1er juillet 2004 du tribunal administratif de Lyon et la décision prononçant sa révocation ;
3°) d'ordonner sa réintégration dans un délai de 15 jours à compter de la décision à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard et d'ordonner qu'il soit procédé, dans les mêmes conditions, à la reconstitution de sa carrière depuis la date d'effet de la mesure de révocation ;
4°) de mettre à la charge de la chambre de commerce et d'industrie de Lyon la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 52-1311 du 10 décembre 1952 ;
Vu la loi n° 95-884 du 3 août 1995 ;
Vu la loi n° 2002-1062 du 6 août 2002 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Francis Girault, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de M. Eric A et de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de la chambre de commerce et d'industrie de Lyon,
- les conclusions de M. Bertrand Dacosta, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de M. Eric A et à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de la chambre de commerce et d'industrie de Lyon ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A, alors agent titulaire de la chambre de commerce et d'industrie de Lyon, a fait l'objet le 4 octobre 1996 d'une première mesure de révocation réglée par voie transactionnelle ; que le tribunal administratif de Lyon, par un jugement en date du 24 janvier 2002, devenu définitif, a annulé cette révocation au motif que la chambre ne pouvait écarter par ce biais contractuel l'application des dispositions d'ordre public du statut du personnel des chambres de commerce et d'industrie ; que, postérieurement à sa réintégration intervenue en exécution de cette annulation, M. A a fait l'objet d'une nouvelle mesure de révocation en date du 3 juillet 2002 par mesure disciplinaire ; que le tribunal administratif de Lyon, saisi par M. A, a rejeté la demande d'annulation de cette décision par son jugement du 1er juillet 2004 ; que, par son arrêt du 3 juillet 2007, contre lequel M. A se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Lyon a confirmé ce jugement ;
Considérant, en premier lieu, qu'en relevant que tant la déclaration mensongère de détention d'un diplôme faite par M. A lors de son recrutement, relevée ultérieurement, que le fait d'avoir tenu des propos susceptibles de jeter le discrédit sur son employeur lors d'une manifestation publique organisée le 13 juillet 1996 à laquelle il représentait la chambre de commerce et d'industrie de Lyon, revêtaient le caractère de fautes disciplinaires et que la sanction de la révocation prise à son encontre n'était pas manifestement disproportionnée, la cour administrative d'appel de Lyon, qui a suffisamment motivé son arrêt, n'a ni dénaturé ni inexactement qualifié les faits de l'espèce ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 14 de la loi du 3 août 1995 portant amnistie : Sont amnistiés les faits commis avant le 18 mai 1995 en tant qu'ils constituent des fautes passibles de sanctions disciplinaires ou professionnelles. (...) / Sauf mesure individuelle accordée par décret du Président de la République, sont exceptés du bénéfice de l'amnistie prévue par le présent article les faits constituant des manquements à la probité, aux bonnes moeurs ou à l'honneur (...) ; que l'article 11 de la loi du 6 août 2002 portant amnistie prévoit des dispositions identiques pour les faits commis avant le 17 mai 2002 ; qu'en rejetant par l'arrêt attaqué la demande de M. A tendant à l'annulation de la mesure de révocation prise à son encontre le 3 juillet 2002, la cour administrative d'appel de Lyon a implicitement mais nécessairement jugé que les faits reprochés à l'intéressé par son employeur et retenus par les premiers juges comme de nature à justifier légalement cette mesure n'étaient pas amnistiables ou n'entraient pas dans leur champ d'application ; que, d'une part, la cour administrative d'appel de Lyon n'a commis ni erreur de qualification juridique ni erreur de droit en considérant nécessairement comme un manquement à la probité la fausse déclaration de M. A relative à son diplôme, et en écartant ainsi le bénéfice de l'amnistie en application des dispositions de l'article 14 de la loi du 3 août 1995 ; que, d'autre part, M. A ne peut soutenir que la cour aurait commis une erreur de droit en excluant l'application de la loi du 6 août 2002 dès lors qu'elle est postérieure au 3 juillet 2002, date à laquelle sa révocation a été prononcée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt du 3 juillet 2007 de la cour administrative d'appel de Lyon ; que, par voie de conséquence, ses conclusions devant le Conseil d'Etat à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A le versement à la chambre de commerce et d'industrie de Lyon de la somme de 2 000 euros au titre des mêmes dispositions ;
D E C I D E :
Article 1er : Le pourvoi de M. A est rejeté.
Article 2 : M. A versera à la chambre de commerce et d'industrie de Lyon une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Eric A et à la chambre de commerce et d'industrie de Lyon.
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