Le maire qui recrute sa sœur comme DGS commet une prise illégale d’intérêts
Entre février et août 2015, des courriers dénoncent au procureur les agissements du maire, qui vient de nommer sa sœur comme directrice générale des services (DGS). En septembre 2014, il annonce, dans une lettre au personnel, la nomination de la DGS, mais, à la demande des syndicats, diffuse son profil de poste auprès du centre de gestion en charge de la publicité de toute création ou vacance d’emploi (article 41 de la loi n° 84–53 du 26 janvier 1984). À l’issue d’une pré-sélection, le maire retient 6 candidats, dont sa sœur, les reçoit pour un entretien avec un jury de 5 personnes auquel il participe, et se prononce à l’unanimité en faveur de cette dernière.
Un délit constitué
Pour la Cour de cassation, le tribunal correctionnel et la cour d’appel ont valablement pu déclarer le maire coupable du délit de prise illégale d’intérêts et sa sœur de recel de ce délit, l’élu ayant eu la charge d’assurer la surveillance et l’administration de l’opération de recrutement sur le poste fonctionnel de DGS de la commune et ayant accompli, entre le 27 novembre 2014 et le 22 janvier 2015, les formalités requises de publicité, de sélection des candidats, de désignation puis de nomination par arrêté de la nouvelle directrice générale, seul ou comme membre du jury de recrutement qu’il avait mis en place.
Le lien familial constitue un intérêt moral et suffit à caractériser la prise illégale d’intérêts. Quant à la directrice, elle a sciemment bénéficié du produit du délit commis par son frère, dont elle ne pouvait pas ignorer l’existence compte tenu de leur lien familial, ayant d’ailleurs signé comme directrice générale une lettre d’information dénommée « servir le public » datée de juillet et août 2014, révélant une décision prise en accord avec ce dernier, antérieurement aux opérations de recrutement.
En effet, la Cour de cassation rappelle qu’en vertu d’une jurisprudence constante, l’abus de fonctions, comme dans l’affaire, est suffisant à lui seul pour constituer le délit de prise illégale d’intérêts et que l’intention coupable est constituée par le seul fait que le maire ait sciemment accompli l’acte matériel de recrutement. Il n’est pas nécessaire qu’il ait agi avec une intention frauduleuse.
La cour condamne le maire à 6 mois de prison avec sursis, 10 000 € d’amende et 3 ans d’inéligibilité, et sa sœur à 4 mois de prison avec sursis et 5 000 € d’amende et à une interdiction d’exercer une fonction publique pendant 18 mois. Mais, pour la Cour de cassation, le juge n’a pas suffisamment justifié sa décision en motivant la sanction par sa proportionnalité à la nature, la gravité des faits et la personnalité du maire et de sa sœur, jamais condamnés. Il aurait dû mieux s’expliquer sur la gravité des faits, les éléments de personnalité des 2 intéressés et leurs situations personnelles respectives.
Cour Cass. Crim. n° 19-83.390 M. T du 4 mars 2020.
Pierre-Yves Blanchard le 15 juin 2021 - n°1725 de La Lettre de l'Employeur Territorial
- Conserver mes publications au format pdf help_outline
- Recevoir par mail deux articles avant le bouclage de la publication.help_outline
- Créer mes archives et gérer mon fonds documentairehelp_outline
- Bénéficier du service de renseignements juridiqueshelp_outline
- Bénéficier du service InegralTexthelp_outline
- Gérer mon compte abonnéhelp_outline