La réitération de menaces de mort justifie un licenciement
Dans une affaire, le directeur général du centre d’études d’expertise sur les risques, la mobilité et l’aménagement licencie un ouvrier des parcs et ateliers soumis à des dispositions similaires, le 15 novembre 2015.
Les témoignages de son supérieur hiérarchique et d’un collègue montrent qu’il a proféré à 2 reprises, le 4 novembre, des menaces de mort contre lui. L’agent, qui n’en conteste pas la réalité, fait l’objet d’un rappel à la loi après la plainte de son responsable. Cette attitude constitue une faute de nature à justifier une sanction. Compte tenu de la réitération d’un comportement, en 2001 puis 2006, insultant et menaçant plusieurs supérieurs, un licenciement est proportionné, malgré une ancienneté de 33 années et la fragilité psychologique qu’il invoque.
Attention : les sanctions autres que l’avertissement et le blâme requièrent la consultation de la commission consultative paritaire (CCP). Le texte sur la discipline mentionne encore le conseil de discipline de recours par renvoi partiel au dispositif des fonctionnaires. Or, la loi sur la transformation de la fonction publique a supprimé cette instance au 8 août 2019. Dans l’attente d’une modification du décret, il est vraisemblable qu’elle ne soit plus compétente.
CAA Marseille n° 18MA00834 M. A du 11 décembre 2018.
Pierre-Yves Blanchard le 29 octobre 2019 - n°1649 de La Lettre de l'Employeur Territorial
N° 18MA00834
9ème chambre - formation à 3
Mme HELMLINGER, président
Mme Frédérique SIMON, rapporteur
M. ROUX, rapporteur public
MAMODABASSE, avocat
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 26 février 2016 par laquelle le directeur général du centre d'études et d'expertise sur les risques, la mobilité et l'aménagement (CEREMA) a prononcé son licenciement et de condamner le CEREMA à lui payer une somme de 50 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis.
Par un jugement n° 1602258 du 29 décembre 2017, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 22 février et 2 novembre 2018, M. A..., représenté par Me E..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 29 décembre 2017 ;
2°) d'annuler la décision du 26 février 2016 du directeur général du CEREMA ;
3°) de condamner le CEREMA à lui verser la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
4°) de mettre à la charge du CEREMA une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté est insuffisamment motivé ;
- il est entaché d'une exactitude matérielle ;
- la mesure est disproportionnée ;
- il a subi un préjudice matériel et moral du fait de cette sanction.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 mai 2018, le CEREMA, représenté par la SELAS LLC et associés, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de M. A... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- la requête est irrecevable faute de comporter une critique du jugement ;
- les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de procédure pénale ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- le décret n° 65-382 du 21 mai 1965 modifié ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Simon,
- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
- et les observations de Me E..., représentant M. A... et de Me D..., représentant le CEREMA.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 15 novembre 2015, le directeur du CEREMA a prononcé le licenciement pour faute de M. A..., ouvrier des parcs et ateliers. Celui-ci fait appel du jugement du tribunal administratif de Montpellier du 29 décembre 2017 rejetant sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ainsi qu'à la condamnation du centre à lui verser des dommages et intérêts.
Sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le CEREMA :
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En premier lieu, l'arrêté en litige, après avoir visé les textes applicables, énonce les éléments de fait qui le fondent, à savoir des " menaces verbales d'une extrême virulence proférées le 4 novembre 2015 par M. A... à l'encontre de son supérieur hiérarchique ". Il est ainsi suffisamment motivé. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public alors en vigueur dont les dispositions ont été reprises à l'article L. 211-5 du code des relations entre l'administration et les administrés, doit être écarté.
3. En second lieu, aux termes de l'article 27 du décret du 21 mai 1965 relatif aux ouvriers des parcs et ateliers des ponts et chaussées et des bases aériennes admis au bénéfice de la loi du 21 mars 1928 : " Les ouvriers visés par le présent décret peuvent être l'objet de mesures disciplinaires pour absence non autorisée, retard à l'arrivée sur le chantier ou à l'atelier, ou départ avant l'heure réglementaire, inexécution des ordres reçus, faute professionnelle, intempérance ou toute autre faute. L'échelle des mesures disciplinaires est la suivante : 1° L'avertissement ; 2° Le blâme ; 3° La mise à pied temporaire pour une durée ne pouvant excéder huit jours ; 4° Le licenciement définitif... ".
4. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
5. D'une part, il ressort des témoignages circonstanciés effectués par son supérieur hiérarchique et un de ses collègues devant le conseil de discipline que M. A... a proféré, à deux reprises, le 4 novembre 2015 des menaces de mort à l'encontre de ce supérieur. Les faits reprochés à l'intéressé, dont il n'a d'ailleurs pas contesté la véracité devant le conseil de discipline, sont ainsi établis. D'ailleurs, M. A... a fait l'objet, à la suite de la plainte déposée par son supérieur hiérarchique à son encontre, d'un rappel à la loi en application du 1° de l'article 41-1 du code de procédure pénale. Ces faits présentent le caractère d'une faute de nature à justifier une sanction disciplinaire.
6. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que M. A... avait déjà, en 2001 puis en 2006, proféré des injures, des insultes et des menaces à l'encontre de plusieurs de ses supérieurs hiérarchiques. Par ailleurs, la seule circonstance que l'appelant se soit plaint par courrier du 5 novembre 2015 d'un harcèlement moral de la part de son supérieur hiérarchique est insuffisant pour faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Dans ces conditions, eu égard à la gravité des faits, aux antécédents de l'intéressé et à l'échelle statutaire des sanctions susceptibles d'être prononcées, la sanction infligée n'est pas, en dépit de l'ancienneté importante de M. A... - trente-trois années - et de la fragilité psychologique qu'il allègue, disproportionnée.
Sur les conclusions indemnitaires :
7. Le caractère illégal du licenciement en litige n'étant pas établi, les conclusions de M. A... tendant à l'indemnisation de préjudices qui découleraient de ce licenciement doivent être rejetées.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 février 2016 et à la condamnation du CEREMA à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation du préjudice qu'il estimait avoir subi du fait de cet arrêté.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le CEREMA, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, verse à M. A... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'appelant une quelconque somme au titre de ces mêmes dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le CEREMA sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...et au centre d'études et d'expertise sur les risques, la mobilité et l'aménagement.
Délibéré après l'audience du 27 novembre 2018, où siégeaient :
- Mme Helmlinger, présidente,
- Mme Simon, présidente-assesseure,
- Mme C..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 11 décembre 2018.
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