Une éducation inadaptée justifie le licenciement d'une assistante familiale pour insuffisance professionnelle
Dans une affaire, le président du conseil départemental retire, le 5 mai 2009, deux jeunes mineurs à une assistante familiale avant de la licencier pour insuffisance professionnelle le 15 octobre, une mesure qu’il confirme le 7 avril 2011 après un vice de forme.
L'assistante critique les décisions des psychologues et éducateurs spécialisés du service départemental de la petite enfance et notamment l'autorisation donnée à la petite fille de revoir sa mère à sa sortie de prison, le placement de son frère en internat et son suivi par un psychothérapeute. Elle refuse à plusieurs reprises les rencontres avec les membres de cette équipe qu'elle dénigre devant les enfants, révélant son inaptitude, voire son refus de coopérer avec le service départemental, malgré les engagements de son contrat d'accueil. S'y ajoutent des propos déplacés devant les enfants sur le traitement dont ils ont fait l'objet et sur leurs parents, mêlés à une attitude possessive qui les tient éloignés du monde extérieur. Ce comportement étant préjudiciable à l'épanouissement des enfants, c'est sans erreur d'appréciation que le département a pu conclure à une insuffisance professionnelle, les enfants ayant déjà été retirés pour éducation inadaptée après un premier placement.
La femme fait valoir le caractère professionnel d'une dépression dont elle est atteinte en mai 2009 et reconnu comme tel par la CPAM, rappelant que le code du travail interdit le licenciement d'un salarié dont le contrat est suspendu en raison d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle. Mais les dispositions du code du travail ne s'appliquent que si le code de l'action sociale et des familles le prévoit et tel n’est pas le cas des dispositions sur le licenciement.
À retenir : en l'absence d'un quelconque principe général du droit qui interdirait un licenciement dans ces circonstances, l’assistante familiale pouvait bien être licenciée pour insuffisance professionnelle, même en arrêt pour une maladie professionnelle. Si elle fait enfin valoir l'absence de recherche de reclassement, cette obligation ne s'applique pas en cas de licenciement pour insuffisance.
CAA Versailles n° 15VE00202 Mme A du 30 juin 2016.
Pierre-Yves Blanchard le 17 janvier 2017 - n°1520 de La Lettre de l'Employeur Territorial

N° 15VE00202
6ème chambre
M. DEMOUVEAUX, président
M. Jean-Eric SOYEZ, rapporteur
M. DELAGE, rapporteur public
COMMUNAL, avocat
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A...B...a demandé au Tribunal administratif de Versailles de condamner le département de l'Essonne à lui verser une indemnité de 100 000 euros au titre des divers préjudices qu'elle estime avoir subis du fait des agissements du conseil général de l'Essonne et d'annuler la décision du 7 avril 2011 par laquelle le président de ce conseil général l'a licenciée pour insuffisance professionnelle.
Par un jugement n°1005256-1103150 du 13 novembre 2014, le Tribunal administratif de Versailles a condamné le département de l'Essonne à verser à Mme B...une somme de 2 500 euros et rejeté le surplus de ses demandes.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés respectivement les
19 janvier 2015 et 18 février 2015, MmeB..., représentée par Me Communal, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 7 avril 2011 par lequel le président du conseil général de l'Essonne l'a licenciée pour insuffisance professionnelle et n'a que partiellement fait droit à ses demandes indemnitaires ;
2° d'annuler la décision du 7 avril 2011 ;
3° de condamner le département de l'Essonne à lui verser la totalité de la somme demandée en première instance ;
4° de mettre à la charge de ce département la somme de 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le licenciement est intervenu au terme d'une procédure irrégulière, en l'absence de réintégration dans les effectifs de la commune et de reconstitution des droits qui en découlent après le retrait de la décision de licenciement du 15 octobre 2009 ;
- il n'est pas suffisamment motivé ;
- il est entaché d'erreur d'appréciation ;
- le département a contrevenu au principe général du droit qui interdit le licenciement d'un travailleur en cours de congé de maladie dû à un accident de travail ;
- le département n'a pas respecté son obligation de reclassement ;
- la réparation accordée par les premiers juges en raison de la méconnaissance de l'article de L. 421-16 du code de l'action sociale et des familles doit être augmentée en raison de l'illégalité du licenciement attaqué ;
- en raison de la dépression consécutive à ses difficultés professionnelles et à l'atteinte à sa réputation, son préjudice moral doit être indemnisé à hauteur de 15 000 euros.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique le rapport de M. Soyez et les conclusions de M. Delage, rapporteur public.
1. Considérant que MmeB..., agréée en qualité d'assistante familiale pour cinq ans le 5 août 2005, a signé le 1er septembre 2005 un contrat de travail à durée indéterminée en vertu duquel le département de l'Essonne lui confiait l'accueil de deux jeunes mineurs sur le fondement des dispositions de l'article L. 421-16 du code de l'action sociale et des familles ; que le département de l'Essonne lui a retiré ces deux enfants le 5 mai 2009, puis l'a licenciée pour insuffisance professionnelle le 15 octobre 2009 ; que si cette décision a été retirée en raison d'un vice de forme le 10 février 2011, une nouvelle décision de licenciement a été prise le 7 avril 2011 pour le même motif ; que Mme B...demande à la Cour d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Versailles, en tant qu'il a rejeté son recours pour excès de pouvoir contre cette dernière décision et a limité à 2 500 euros l'indemnité qu'il lui a accordée en réparation du préjudice moral que lui a causé le retrait soudain des deux enfants qu'elle accueillait ;
Sur les conclusions en annulation :
En ce qui concerne la légalité externe :
2. Considérant, en premier lieu, que cette décision fait état des difficultés relationnelles et du manque de coopération de la requérante avec les éducateurs spécialisés et les psychologues du service départemental compétent, ainsi que de son comportement contraire à l'épanouissement des enfants et notamment à leur ouverture sur le monde extérieur ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision attaquée ne peut qu'être écarté ;
3. Considérant, en deuxième lieu, que Mme B...soutient qu'à la date du licenciement attaqué, le département de l'Essonne n'a pas pris, à la suite du retrait de la première décision de licenciement, de décision formelle en vue de la réintégrer dans ses effectifs et n'a pas reconstitué sa carrière pendant son éviction entre le 15 octobre 2009 et le 10 février 2011 ; que, de même, elle se plaint de ce qu'il ne lui a pas versé le solde des congés payés auxquels elle estimait avoir droit pour les années 2009 et 2010 ; que, toutefois, est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée la circonstance que le retrait de la décision du 15 octobre 2009 n'ait pas été suivi d'une décision explicite de réintégration ; qu'il en est de même de l'allégation, au demeurant démentie par le département, selon laquelle la requérante n'aurait pas bénéficié du solde des congés payés afférents à la première période d'éviction ou de ce qu'elle n'aurait pas été rétablie dans l'intégralité de ses droits et aurait subi de ce fait une perte de rémunération ;
En ce qui concerne la légalité interne :
4. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que Mme B...a critiqué les décisions prises par les psychologues et les éducateurs spécialisés de l'équipe du service départemental de la petite enfance, notamment l'autorisation donnée à la jeune C...de revoir sa mère à la sortie de prison de cette dernière, le placement en internat de son frère Fabien et le suivi de cet enfant par un psychothérapeute ; qu'il n'est pas sérieusement contesté qu'elle s'est soustraite à plusieurs reprises à des rencontres avec les membres de cette équipe qu'elle dénigrait devant les enfants ; que Mme B...a ainsi révélé ainsi son inaptitude, voire son refus, à coopérer avec l'équipe du service départemental de la petite enfance, contrairement aux engagements qu'elle avait pris dans son contrat d'accueil du 1er septembre 2005 ; que d'autre part, elle a émis devant les enfants qui lui étaient confiés des propos déplacés sur les traitements dont ils ont fait l'objet et sur leurs parents et a adopté à leur égard une attitude possessive en s'employant notamment à les tenir éloignés du monde extérieur ; que ces faits, non efficacement contredits par les quelques témoignages produits par MmeB..., émanant d'amis de celle-ci, doivent être tenus pour établis ; qu'ils ont à bon droit été jugés par le département de l'Essonne préjudiciables à l'épanouissement des deux enfants ; que, dans ces conditions, c'est sans erreur d'appréciation que le département de l'Essonne a conclu à l'insuffisance professionnelle de l'assistante maternelle, à la garde de laquelle, d'ailleurs, les deux enfants, au terme d'un premier placement entre 2000 et 2005, avaient déjà été retirés en raison d'un type d'éducation inadapté ;
5. Considérant, en deuxième lieu, que Mme B...a bénéficié d'un arrêt de travail le 9 mai 2009, pour dépression, causée par le retrait des deux enfants qu'elle accueillait ; qu'elle a fait reconnaître, le 19 février 2010, le caractère de maladie professionnelle de cette dépression par la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne ; qu'il n'est pas contesté que l'agent était toujours en arrêt de maladie pour ce motif à la date de la décision attaquée ; que sa situation d'assistante maternelle n'est pas régie, ainsi que Mme B...en convient en appel, par d'autres dispositions du code du travail que celles auxquelles renvoient les dispositions précitées de l'article R. 422-1 du code de l'action sociale et des familles, au nombre desquelles ne figurent pas celles correspondant aux droits dont elle revendique le bénéfice ; que, dès lors, la requérante ne saurait utilement se prévaloir des dispositions des articles L. 1226-8 et R. 1226-9 du code du travail qui interdisent le licenciement d'un salarié lorsque celui-ci est suspendu pour accident de travail ou maladie professionnelle ; qu'elle ne saurait davantage se prévaloir valablement d'un quelconque principe général du droit, dérivé de ces dispositions, qui interdirait un licenciement, en ces circonstances, d'un agent non titulaire de la fonction publique territoriale ;
6. Considérant, en troisième lieu, que Mme B...se prévaut de la méconnaissance de l'obligation de reclassement ; que, d'une part, ce moyen est inopérant à l'encontre de conclusions tendant à l'annulation d'un licenciement pour insuffisance professionnelle ; que, d'autre part, à supposer que la requérante ait entendu, en invoquant cette obligation, soutenir ainsi que le département de l'Essonne aurait pris cette décision afin de se soustraire à son obligation de recherche d'un poste de reclassement, son insuffisance professionnelle était en tout état de cause établie ; que, pour ce seul motif, le département de l'Essonne pouvait légalement licencier la requérante ; que, par suite, le moyen tiré du détournement de pouvoir ne peut qu'être écarté ;
Sur les conclusions en indemnisation et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir du département de l'Essonne :
7. Considérant qu'en l'absence d'illégalité de la décision prononçant le licenciement pour insuffisance professionnelle de Mme B...et de tout argument nouveau en appel tendant à la reconnaissance d'un préjudice supérieur à celui reconnu par les premiers juges, la requérante n'est pas fondée à contester le montant de l'indemnité que le tribunal administratif a condamné le département à lui verser ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté son recours pour excès de pouvoir contre son licenciement et n'a que partiellement fait droit à ses demandes indemnitaires ;
Sur les conclusions tendant l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que le département de l'Essonne verse à Mme B...les sommes qu'elle demande ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la requérante la somme que le département de l'Essonne demande sur le fondement des mêmes dispositions ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du département de l'Essonne sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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