L'affectation à des fonctions de policier municipal justifie une indemnisation des contraintes de l'agent
Dans une affaire, un adjoint technique de 2e classe, qui exerce depuis octobre 2001 des fonctions d’agent de police, demande à bénéficier de cette indemnité et engage la responsabilité de la commune pour inégalité de traitement.
Le cadre d'emplois des agents de police comporte un nombre limité de grades (gardien, brigadier et brigadier-chef principal) (décret n° 2006-1391 du 17 novembre 2006). L'agent appartenant à la filière technique, il ne peut pas bénéficier de cette indemnité, réservée à ce cadre d'emplois, ni invoquer un principe d'égalité entre fonctionnaires appartenant à un même cadre d'emplois puisqu'il se trouve dans une situation de droit différente.
Pour autant, la commune a obtenu du procureur et du préfet l'agrément requis pour des fonctions de policier municipal (article L. 511-2 du code) et confié à l’adjoint des tâches d'agent de police du 10 juillet 2003 au 31 juillet 2008, le fonctionnaire assumant la plupart des missions et responsabilités leur correspondant, en particulier en matière d'astreinte et de missions funéraires. En méconnaissant de façon constante et répétée les missions auxquelles le fonctionnaire a statutairement vocation, la commune commet une faute justifiant 12 000 € d’indemnités, en compensation des tâches et des responsabilités supportées par le fonctionnaire et de l'absence d'indemnisation adéquate de ses astreintes.
À retenir : cette décision met en évidence le risque d'une méconnaissance systématique d'un cadre d'emplois et de l'affectation d’agents généralement recrutés sans concours à des fonctions exigeant une qualification.
CAA n° 12NT00401 M. C du 25 avril 2013.
Pierre-Yves Blanchard le 23 juin 2015 - n°1450 de La Lettre de l'Employeur Territorial

N° 12NT00401
3ème Chambre
Mme PERROT, président
M. Olivier COIFFET, rapporteur
M. DEGOMMIER, rapporteur public
CARADEUX, avocat
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée le 10 février 2012, présentée pour M. B... C..., demeurant..., par Me Deniau, avocat au barreau de Nantes ; M. C... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n°09-1906 du 30 décembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune d'Ancenis à lui verser la somme globale de 24 241,83 euros en réparation tant de l'illégalité fautive née du refus de lui verser l'indemnité spéciale de fonctions à laquelle il estime avoir droit en qualité d'agent de police municipale que des préjudices découlant du fait qu'il a exercé des fonctions ne relevant pas du cadre d'emplois auquel il appartient, et en particulier du non paiement de ses astreintes ;
2°) de condamner la commune d'Ancenis à lui verser la somme de 48 252,42 euros assortie des intérêts à compter, à titre principal, de la date à laquelle le règlement aurait dû être effectué et, à titre subsidiaire, à compter du 10 décembre 2008, ces intérêts étant eux-mêmes capitalisés ;
3°) d'enjoindre à la commune d'Ancenis de lui verser la somme précitée et de procéder à la reconstitution de sa carrière dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de la commune d'Ancenis les entiers dépens et le versement de la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des communes ;
Vu l'article 1er du décret n° 94-732 du 24 août 1994 modifié portant statut particulier du cadre d'emplois des agents de police municipale ;
Vu le décret n° 97-702 du 31 mai 1997 relatif au régime indemnitaire des fonctionnaires du cadre d'emplois des agents de police municipale et du cadre d'emplois des gardes champêtres ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 avril 2013 :
- le rapport de M. Coiffet, président-assesseur ;
- les conclusions de M. Degommier, rapporteur public ;
- les observations de Me Deniau, avocat de M. C... ;
- et les observations de Me A... substituant Me Caradeux, avocat de la commune d'Ancenis ;
1. Considérant que M. C..., fonctionnaire territorial employé par la commune d'Ancenis depuis 1981 en qualité d'agent d'entretien qualifié, estimant que les fonctions qui lui ont été confiées depuis octobre 2001 étaient celles d'un agent de police municipale, a demandé à bénéficier de l'indemnité spéciale mensuelle allouée par la commune à cette catégorie d'agents ; qu'il a, à la suite du rejet de ses demandes, recherché la responsabilité de la commune à raison selon lui de l'illégalité fautive née d'une inégalité de traitement entre les agents de la commune placés dans une même situation et relevant d'un même cadre d'emplois et, subsidiairement, entre agents exerçant le même emploi ; que M. C... relève appel du jugement du 30 décembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune d'Ancenis à lui verser la somme globale de 24 241,83 euros en réparation tant de l'illégalité fautive née du refus de lui verser l'indemnité spéciale de fonctions à laquelle il estime avoir droit en qualité d'agent de police municipale que des préjudices découlant du fait qu'il a exercé des fonctions ne relevant pas du cadre d'emplois auquel il appartient, et en particulier du non paiement de ses astreintes ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 412-49 du code des communes : " Les fonctions d'agent de police municipale ne peuvent être exercées que par des fonctionnaires territoriaux recrutés à cet effet dans les conditions fixées par les décrets en Conseil d'Etat prévus à l'article 6 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale.(...) " ; qu'aux termes de l'article 1er du décret du 24 août 1994 portant statut particulier du cadre d'emplois des agents de police municipale : " Les agents de police municipale constituent un cadre d'emplois de police municipale de catégorie C au sens de l'article 5 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée. Ce cadre d'emplois comprend les grades de gardien, de gardien principal, de brigadier et brigadier-chef, de brigadier-chef principal et de chef de la police municipale (...) " et qu'aux termes de l'article 1er du décret du 31 mai 1997 susvisé : " L'assemblée délibérante de la collectivité territoriale qui les emploie peut décider que les fonctionnaires du cadre d'emplois des agents de police municipale et ceux du cadre d'emplois des gardes champêtres perçoivent une indemnité spéciale mensuelle de fonctions déterminée en appliquant au montant mensuel du traitement soumis à retenue pour pension de l'agent concerné un taux individuel (...) " ;
3. Considérant que si, pour prétendre à réparation du préjudice financier qu'il estime avoir subi, M. C... soutient que la commune d'Ancenis lui a à tort refusé le bénéfice de l'indemnité spéciale mensuelle de fonctions destinée aux agents de police municipale dès lors qu'il exerce effectivement, depuis le mois d'octobre 2001, des fonctions d'agent de police municipale, il résulte toutefois de l'instruction, en particulier des différents arrêtés municipaux versés au dossier portant reclassement de l'intéressé, que M. C..., qui a appartenu au cadre d'emplois des agents d'entretien territoriaux depuis 2002 jusqu'au 31 octobre 2005, puis au cadre d'emplois des agents territoriaux des services techniques jusqu'au 31 décembre 2006, et enfin, depuis le 1er janvier 2007, au cadre d'emplois des adjoints techniques territoriaux, n'a jamais relevé du cadre d'emplois des agents de police municipale, dont il ne satisfaisait pas les conditions législatives et réglementaires d'intégration telles qu'énoncées aux articles 3 et 4 du décret précité du 24 août 1994 ; que le requérant ne peut, dans ces conditions, demander à bénéficier des dispositions précitées de l'article 1er du décret du 31 mai 1997 pour percevoir l'indemnité spéciale réservée aux membres du cadre d'emplois considéré ; qu'il ne saurait, dès lors, utilement davantage se prévaloir du principe d'égalité applicable aux fonctionnaires appartenant au même cadre d'emplois, dès lors que ces agents se trouvent dans une situation de droit différente de la sienne ;
4. Considérant, en revanche, qu'il ressort des pièces versées au dossier et qu'il n'est pas sérieusement contesté que c'est en qualité d'agent de police municipale que la commune d'Ancenis a sollicité et obtenu pour M. C..., qui a également prêté serment dans ce cadre, l'agrément du procureur de la République et du préfet de Loire-Atlantique, et que cette collectivité a confié au requérant, au cours de la période allant du 10 juillet 2003 au 31 juillet 2008, un nombre certain de tâches qui ne relevaient pas de son cadre d'emplois mais de celui des agents de police municipale, M. C... assumant au cours de cette période la plupart des missions et responsabilités qui étaient par ailleurs confiées à l'agent de police municipale statutaire de la commune, en particulier en matière d'astreintes et de missions à caractère funéraire ; qu'en procédant ainsi, de manière constante et répétée, la commune d'Ancenis doit être regardée comme ayant commis un agissement fautif qui a causé un préjudice à M. C... et dont celui-ci est fondé à demander réparation ; qu'il sera fait une juste appréciation de ce préjudice, pour tenir compte à la fois des tâches de responsabilité exercées par l'intéressé durant cinq années sans indemnisation adéquate et des astreintes réalisées par lui, en l'évaluant à la somme de 12 000 euros tous intérêts confondus ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté en totalité sa demande indemnitaire ;
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
6. Considérant que le présent arrêt n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, à la commune d'Ancenis de procéder à la reconstitution de la carrière de M. C... ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. C..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune d'Ancenis demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de cette collectivité le versement à M. C... de la somme de 2000 euros au titre des mêmes dispositions ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 09-1906 du tribunal administratif de Nantes en date du 30 décembre 2011 est annulé.
Article 2 : La commune d'Ancenis est condamnée à verser à M. C... la somme de
12 000 euros tous intérêts confondus.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... est rejeté.
Article 4 : La commune d'Ancenis versera à M. C... la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions de la commune d'Ancenis tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C...et à la commune d'Ancenis.
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