Un refus réitéré d’obéissance justifie deux mois d’exclusion
Dans une affaire, le maire exclut 2 mois dont 1 avec sursis, le 21 octobre 2013, un éducateur principal des APS maître-nageur de la piscine. Le 19 octobre 2010, il refuse de prendre part à une réunion avec un représentant de l’Éducation nationale pour préparer des activités de natation dans le cadre scolaire, puis le 6 juin 2011 d’ouvrir la piscine entre 12 heures et 13h30 au prétexte que la ligne directe avec les pompiers ne fonctionne pas, en dépit des instructions de sa hiérarchie faisant valoir qu’un téléphone classique permet de joindre les secours. Le 14 septembre, enfin, il critique ouvertement le choix de son employeur d’organiser une séance multisports en gymnase pour les enfants de 3 à 5 ans. Pour la cour, ces faits caractérisent un refus d’obéissance et une atteinte au devoir de réserve dans l’expression de ses opinions justifiant une mesure disciplinaire.
Une mesure proportionnée
Au regard de la portée de ce comportement sur le fonctionnement du service et quelles que soient les nombreuses attestations soulignant ses qualités professionnelles, le maire n’a pas commis d’erreur de fait ni prononcé une sanction disproportionnée, se conformant d’ailleurs à la proposition du conseil de discipline.
Au plan procédural, les personnes ont le droit d’être informées des motifs des décisions défavorables les concernant, dont les sanctions, ce qui suppose qu’elles comportent les considérations de droit et de fait qui les fondent (articles L. 211-2 et 5 du code des relations entre le public et l’administration). Cette obligation pèse également sur l’avis du conseil de discipline lorsqu’il doit être saisi, comme dans l’affaire (article 19 de la loi). Si la sanction se limite à faire état de manquements répétés de l’agent à ses obligations, caractérisés par un manque de respect vis-à-vis des personnes extérieures et de sa hiérarchie et un refus d’obéissance, il précise que la sanction proposée par le conseil de discipline sanctionne les faits reprochés à l’agent de façon adéquate, avis qui est joint à l’arrêté de sanction et comporte tous les éléments de fait nécessaires. La mesure est suffisamment motivée.
Rappel : une sanction n’est pas relative à un droit ou à une obligation de caractère civil, ni au bien-fondé d’une accusation en matière pénale qui entrerait dans le champ de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales sur le droit à un procès équitable, et donc à un tribunal indépendant et impartial statuant publiquement (article 6).
CAA Nantes n° 16NT02189 M. B du 22 mai 2018.
Pierre-Yves Blanchard le 08 janvier 2019 - n°1611 de La Lettre de l'Employeur Territorial
N° 16NT02189
6ème chambre
M. FRANCFORT, président
M. Laurent BOUCHARDON, rapporteur
M. LEMOINE, rapporteur public
SELARL CADRAJURIS, avocat
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 21 octobre 2013 par lequel le maire de la commune de Saint-Herblain (Loire-Atlantique) a prononcé à son encontre une sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de deux mois, assortie d'un sursis partiel d'un mois.
Par un jugement n° 1309367 du 17 mai 2016, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 5 juillet 2016, 27 juin 2017 et 3 avril 2018, M. B... C..., représenté par Me Deniau, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 17 mai 2016 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 21 octobre 2013 par lequel le maire de Saint-Herblain a prononcé à son encontre une sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de deux mois, assortie d'un sursis partiel d'un mois ;
3°) d'enjoindre à la commune de Saint-Herblain de lui verser le mois de traitement dont il a été privé et de le rétablir dans ses droits à avancement et à la retraite, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou à titre subsidiaire de reprendre l'instruction du dossier, dans le même délai et sous la même astreinte ;
4°) de condamner la commune de Saint-Herblain aux entiers dépens de l'instance ;
5°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Herblain une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision contestée est insuffisamment motivée en fait, en méconnaissance des dispositions de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
- elle est intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière, en méconnaissance des dispositions de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 ;
- elle est entachée d'une erreur de fait ;
- elle est entachée d'une erreur de droit au regard de l'ancienneté des faits reprochés ;
- elle est manifestement disproportionnée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 juin 2017, la commune de Saint-Herblain, représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. C... la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'aucun des moyens n'est fondé.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Bouchardon ;
- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public ;
- et les observations de Me Deniau, avocat de M. C...et de Me Morant, avocat de la commune de Saint-Herblain.
1. Considérant que M.C..., éducateur principal des activités physiques et sportives, exerçant les fonctions de maître-nageur sauveteur au sein des services municipaux de la commune de Saint-Herblain (Loire-Atlantique), relève appel du jugement du 17 mai 2016 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 octobre 2013 par lequel le maire de la commune de Saint-Herblain a prononcé à son encontre une sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de deux mois, assortie d'un sursis partiel d'un mois ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la légalité externe :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 susvisée, alors en vigueur : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) / - infligent une sanction (...) " ; qu'aux termes de l'article 3 de cette même loi : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision " ; qu'aux termes de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée, dans sa rédaction applicable à la présente espèce : " ( ...) Le fonctionnaire à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes (...). L'administration doit informer le fonctionnaire de son droit à communication du dossier. Aucune sanction disciplinaire autre que celles classées dans le premier groupe (...) ne peut être prononcée sans consultation préalable d'un organisme siégeant en conseil de discipline dans lequel le personnel est représenté. / L'avis de cet organisme de même que la décision prononçant une sanction disciplinaire doivent être motivés " ; que ces dispositions imposent à l'autorité qui prononce la sanction l'obligation de préciser elle-même, dans sa décision, les griefs qu'elle entend retenir à l'encontre de l'agent intéressé de telle sorte que ce dernier puisse, à la seule lecture de cette décision, connaître les motifs de la sanction qui le frappe ;
3. Considérant, en premier lieu, que si l'arrêté critiqué se limite à faire état de " manquements répétés à ses obligations, caractérisés par un manque de respect vis-à-vis des personnes extérieures et de sa hiérarchie ainsi qu'un refus d'obéissance hiérarchique ", il mentionne que " la sanction proposée par le conseil de discipline sanctionne comme il convient les faits reprochés à M.C... " ; qu'il n'est pas contesté que cet avis du conseil de discipline était joint à la notification à l'intéressé de l'arrêté de sanction en litige ; que dès lors que cet avis comportait tous les éléments de fait constituant le fondement de l'arrêté contesté, ce dernier doit être regardé comme suffisamment motivé ;
4. Considérant, en second lieu, que M. C...ne saurait utilement faire valoir que le dossier transmis au conseil de discipline aurait été incomplet, dès lors que les dispositions précitées de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983, n'imposent d'obligations à l'administration qu'à l'égard de la communication du seul dossier individuel d'un agent, et que le requérant n'a pas été privé de la possibilité de faire valoir, notamment devant le conseil discipline, tous éléments utiles à sa défense ; que contrairement à ce que soutient le requérant, la contestation par un fonctionnaire de la sanction disciplinaire qui lui a été infligée n'est relative ni à un droit ou une obligation de caractère civil, ni au bien-fondé d'une accusation en matière pénale, si bien qu'un tel litige n'entre pas dans le champ d'application de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
En ce qui concerne la légalité interne :
5. Considérant, en premier lieu, que le requérant se prévaut des dispositions de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983, dans leur rédaction issue de la loi susvisée du 20 avril 2016, aux termes desquelles : " Aucune procédure disciplinaire ne peut être engagée au-delà d'un délai de trois ans à compter du jour où l'administration a eu une connaissance effective de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits passibles de sanction. (...) Passé ce délai et hormis le cas où une autre procédure disciplinaire a été engagée à l'encontre de l'agent avant l'expiration de ce délai, les faits en cause ne peuvent plus être invoqués dans le cadre d'une procédure disciplinaire " ; que toutefois, ces dispositions, auxquelles le législateur n'a pas voulu donner une portée rétroactive, n'étaient pas applicables à la date à laquelle a été prise la décision contestée ; qu'aucun autre texte applicable à cette date ni aucun principe général du droit n'enfermaient dans un délai déterminé l'exercice de l'action disciplinaire à l'égard d'un fonctionnaire ; que, par suite, M. C...n'est pas fondé à soutenir que l'autorité investie du pouvoir disciplinaire n'aurait pas respecté un délai raisonnable pour le sanctionner ;
6. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes. (...) Troisième groupe : la rétrogradation ; l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de seize jours à deux ans (...). L'exclusion temporaire de fonctions, qui est privative de toute rémunération, peut être assortie d'un sursis total ou partiel (...) " ; qu'il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes ;
7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, d'une part que, le 19 octobre 2010, M. C...a refusé de prendre part à une réunion avec un représentant de l'éducation nationale en vue de la préparation des activités de natation dans le cadre scolaire, d'autre part que, le 6 juin 2011, il a refusé d'ouvrir la piscine entre 12 h et 13 h 30 au prétexte que la ligne directe avec les pompiers ne fonctionnait pas, en dépit des instructions de sa hiérarchie faisant valoir qu'une ligne téléphonique classique permettait de joindre les secours, enfin que, le 14 septembre 2013, il a ouvertement critiqué le choix de son employeur d'organiser une séance multisports en gymnase pour enfants de 3 à 5 ans ; que de tels faits sont de nature à caractériser un refus d'obéissance hiérarchique et une atteinte au devoir de réserve ; qu'ainsi, à supposer même que le grief tiré de ce que l'intéressé aurait eu, en juillet 2010, une attitude discourtoise vis-à-vis des usagers de la piscine ne serait pas établi par la présence au dossier d'une seule attestation d'un usager mécontent, il résulte de l'instruction que le maire de la commune de Saint-Herblain aurait pris la même décision en se fondant sur les faits relevant d'un refus d'obéissance hiérarchique et d'atteinte au devoir de réserve ;
8. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'autorité investie du pouvoir disciplinaire aurait inexactement qualifié les faits qui viennent d'être rappelés de faute disciplinaire, au regard de leur portée sur le fonctionnement du service dont relève M. C..., en dépit de la circonstance que l'intéressé produit de nombreuses attestations mettant en valeur ses capacités professionnelles ; que, dans ces conditions, le maire de la commune de Saint-Herblain n'a pas commis d'erreur de fait ni pris une sanction disproportionnée en décidant, suivant l'avis du conseil de discipline, de prononcer à l'encontre de M. C...une sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de deux mois, assortie d'un sursis partiel d'un mois ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte :
10. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions tendant à l'annulation de la décision contestée, n'implique aucune mesure particulière d'exécution ; que, par suite, les conclusions susvisées ne peuvent être accueillies ;
Sur l'application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat (...) " ; que la présente instance n'ayant pas donné lieu à dépens au sens de l'article susvisé, les conclusions de M.C..., tendant à ce que la commune de Saint-Herblain soit condamnée à lui verser les dépens, ne peuvent en tout état de cause qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de M. C...une somme de 500 euros au titre des frais exposés par la commune de Saint-Herblain et non compris dans les dépens ; que ces dispositions font en revanche obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Saint-Herblain, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que M. C... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.
Article 2 : M. C...versera à la commune de Saint-Herblain une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C...et à la commune de Saint-Herblain.
Délibéré après l'audience du 4 mai 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Francfort, président de chambre,
- M. Pons, premier conseiller,
- M. Bouchardon, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 22 mai 2018.
Le rapporteur,
L. BOUCHARDON
Le président,
J. FRANCFORT
La greffière,
E. HAUBOIS
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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